Trois ans après le renforcement de la loi 31-08 sur la protection du consommateur par de nouvelles dispositions, la vente à distance ne satisfait toujours pas le consommateur marocain. Ce secteur, constitué surtout du e-commerce (la vente par téléphone étant peu répandue), commet beaucoup d’entorses à la loi. C’est du moins ce que révèle le bilan du 3e trimestre de 2016 du portail de réclamation en ligne Khidmat Almosstahlik, mis en place par le ministère du commerce, de l’industrie, de l’investissement et de l’économie numérique. «20,2% des réclamations déposées au sein du portail concernent la vente à distance».
La non-conformité du produit ou service à la description fournie par les sites internet marchands vient en tête des réclamations. De l’avis de Bastien Moreaux, DG de Jumia, l’évolution rapide qu’a connue le secteur est à l’origine de ce problème. «Il existe aujourd’hui deux types d’acteurs sur le marché, ceux qui visent le long terme et par ricochet tiennent à fidéliser leurs clients et ceux qui cherchent des opportunités et qui font fi de la réglementation et du respect des engagements», déclare le patron de Jumia. Mais ces reproches sont également valables pour les acteurs les plus grands, selon Ouadie Madih, président d’Uniconso (association de protection des consommateurs). «Les clients se plaignent souvent de la vente d’articles de contrefaçon. De nombreux cybermarchands proposent régulièrement des produits estampillés», déclare-t-il. En effet, il suffit de consulter les sites de vente en ligne, y compris les plus grands, pour trouver un parfum de type Yves Saint- Laurent proposé à 200 DH, soit 80% moins cher que sur le marché, ou des chaussures de marque Nike à 50% en dessous du marché. Dans ces cas, les photos affichées sur le site ainsi que la description ne correspondent pas au produit réel, le client se retrouve alors avec un produit contrefait.
Même le paiement après livraison ne protège pas le client
Sur ce sujet, un professionnel explique que les marketplaces (sites qui rassemblent plusieurs acheteurs et fournisseurs) jouent le rôle du tiers de confiance entre les vendeurs et les clients. «Généralement, les sites de deal ou de vente en général ont des milliers de produits en ligne et sur lesquels les sellers (ndlr: vendeurs) ont complètement la main parce que ce sont eux qui vendent», précise-t-il. Et d’ajouter : «Nous ne pouvons pas vérifier l’origine de tous les produits puisque pour certains cas, ce sont les sellers qui s’occupent de la livraison».
Justement, le non-respect des délais et modalités de livraison figurent également en tête de liste des réclamations. «Sur le terrain, certains vendeurs lancent le deal sur la base d’un échantillon, attendent que le nombre de commandes soit important avant qu’eux-mêmes achètent la marchandise auprès du grossiste», explique un professionnel. Et de renchérir : «Cela prolonge les délais de livraison jusqu’à une ou deux semaines». En revanche, le professionnel confirme que c’est à ce niveau que le marketplace joue un rôle important puisque le paiement réalisé par le client, soit en ligne ou via les sociétés de transfert d’argent, atterrit sur son compte et non sur celui du fournisseur. Ainsi, en cas de problème, c’est donc le marketplace qui garantit le remboursement.
A ce propos, il est important de noter que le consommateur marocain est toujours réticent à payer à l’avance. En fait, le règlement est effectué de deux manières. Pour les sites de deal, il se fait obligatoirement à l’avance, soit par transfert d’argent ou en ligne. D’après les chiffres du CMI, à peine 49 000 opérations relatives à des sites de deal ont été payées en ligne pour un montant global de plus de 26 MDH entre janvier et octobre 2016, dont 16 millions pour Hmizat. Le reste est partagé principalement par Super citydeal, Mazon, Hmall et Menaclik.
Les sites de ventes de produits spécialisés, eux, se font payer souvent à la livraison. «100% des premières commandes des clients sont payés après livraison», confirme le patron de Jumia. Mais là aussi, le client n’est pas à l’abri des mauvaises surprises. «Sur place, le livreur ne donne pas généralement du temps au client pour vérifier sa marchandise. Celui-ci ne se rend compte de la défaillance du produit qu’après le paiement», déclare M. Madih. Cette problématique renvoie en effet à un autre manquement : l’absence du délai de rétractation dans les conditions générales de vente du fournisseur. La loi prévoit qu’à compter de la date de réception du bien ou de l’acceptation d’une prestation de service, le client dispose de sept jours pour se rétracter, sans se justifier ni payer de pénalités, sauf les frais de retour. Le fournisseur, lui, doit intégralement rembourser le client dans un délai de 15 jours. «Dans la réalité ces dispositions ne sont pas respectées par les sites de vente en ligne. Ces derniers usent de tous les moyens pour dépasser ce délai», accuse Ouadie Madih. Selon lui, la plupart des sites, même les plus réputés, n’affichent pas un numéro ou une adresse pour la réclamation. Par conséquent, le client a du mal à demander la restitution de l’article dans les délais. Et donc il ne pourra pas se faire rembourser.
· Les e-consommateurs grugés ne doivent pas se laisser faire, d’autant qu’il existe une procédure pour se défendre. Elle consiste à saisir sa plainte au niveau du portail du ministère du commerce et de l’industrie. Le principe consiste à créer un compte sur le site en fournissant un certain nombre d’informations pour assurer le suivi de la requête. La plainte atterrit au département de la protection du consommateur avant d’être dirigée vers une association de protection des consommateurs qui se chargera de l’étudier et d’entrer en contact avec le site marchand pour obtenir un règlement à l’amiable du litige. Sinon, elle transfère le dossier au ministère du commerce. Celui-ci entame une procédure administrative qui consiste à constater l’infraction et à infliger une amende conformément aux dispositions de la loi 31-08 sur la protection des consommateurs. Le montant de l’amende varie de 1 200 à 50 000 DH selon la nature de l’infraction. Les agents du ministère dressent un PV qu’ils transmettent au procureur du Roi. Le client peut se constituer partie civile pour obtenir remboursement et indemnisation.
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