Les huissiers de justice s’organisent, ils auront leur Ordre professionnel. Le décret vient d’être publié au Bulletin Officiel n° 5688 du 4 décembre 2008. Une vieille doléance à laquelle ce corps de métier vient juste d’accéder. D’ici le mois de mars 2009, les conseils régionaux seront en place avant les élections des instances nationales qui se dérouleront en mai. C’est du moins ce qui ressort des déclarations de Abdelaziz Fougani, président de l’Association nationale des huissiers de justice.
Ce corps de métier, peu valorisé, veut donner une autre image de sa profession. L’Ordre veillera au respect des devoirs professionnels et à la protection des droits des huissiers. Son «contrôle» s’ajoutera à celui exercé par le président du tribunal de première instance et à celui du procureur du Roi. «C’est un corps de métier bien contrôlé et les griefs sur les retards dans l’exécution qui lui sont imputés ne sont pas fondés», affirme Fougani.
Ces auxiliaires de justice, que certains continuent à assimiler à des «ârifas» modernes, sont souvent accusés de s’arranger avec la personne chez qui ils se rendent. Ils consignent parfois ne pas trouver la personne destinataire de la mise en demeure ou de la notification du jugement lui faisant ainsi gagner du temps.
Pour Fougani, les retards dans l’exécution des décisions de justice sont à mettre sur le compte des procédures qui sont longues. Un projet de refonte du code des procédures civiles serait en cours au ministère de la Justice. Il permettrait d’alléger quelques procédures. Certains avocats estiment aussi que les huissiers ne diffèrent pas d’autres métiers. «Ils comptent des professionnels et d’autres qui ne le sont pas». «Les huissiers de justice sont passibles d’amendes et de poursuites pénales. Et je doute que dans ces conditions l’on puisse s’amuser à faire de l’excès de zèle», soutient El Hafid Ibn Rachid, avocat du barreau de Rabat.
Sur le terrain, les huissiers de justice doivent faire face à plusieurs contraintes. «L’exécution des saisies n’est pas toujours facile. Certaines personnes, bien informées et conseillées, arrivent à trouver des subterfuges pour s’y opposer», affirme le président de l’Association nationale des huissiers de justice.
Cette profession se heurte aussi à un problème d’adresses surtout à Casablanca. Pour illustrer ce «phénomène», des huissiers citent l’existence par exemple de trois rues Oum Errabia dans trois quartiers différents de la métropole.
Autre difficulté, la cacophonie qui résulte de l’interprétation de la loi par les tribunaux. «Même si les textes sont clairs, la jurisprudence est parfois différente», relève Abdelaziz Fougani. Le président de l’association des huissiers cite l’exemple d’un jugement définitif auquel est jointe une attestation de non appel. «Certaines personnes peuvent faire appel même hors délai. Dans ce cas, certains tribunaux ordonnent la poursuite de l’exécution du jugement alors que d’autres estiment qu’elle doit s’arrêter», explique Fougani.
Une étonnante catégorisation
Il existe deux types d’huissiers de justice. Ceux qui ont le statut de fonctionnaires du ministère de la Justice et les indépendants, qui exercent à l’extérieur du tribunal. «Un conflit de compétences existe au niveau du texte. Par exemple, les huissiers indépendants n’ont pas le droit de procéder aux expulsions», explique El Hafid Ibn Rachid. Il reconnaît aussi que la loi organisant la profession a mieux précisé les tâches des huissiers de justice.
Pour accéder à cette profession, la loi exige d’avoir au minimum 25 ans, d’être titulaire d’une licence en droit ou en charia et d’avoir été admis au concours des huissiers de justice. Ce dernier vient également d’être précisé dans le décret paru dans le BO du 4 décembre dernier.
Le concours comprend une épreuve orale et écrite. Une formation de six mois est par la suite dispensée au sein de l’Institut de la magistrature en coordination avec la direction des affaires civiles. Cette période comprend un cycle d’études et de travaux pratiques effectué à l’Institut supérieur de magistrature pendant trois mois. Une formation spéciale, axée particulièrement sur les dispositions de la loi réglementant la profession, les règles et procédures relatives à la notification et aux procédures d’exécution des ordonnances, jugements et arrêts ainsi que tous les actes et titres ayant force exécutoire et toute autre procédure judiciaire. Par la suite, un stage de trois mois est effectué dans les secrétariats-greffes ou dans différents tribunaux. Ce stage est par la suite sanctionné par un examen de fin d’études. L’organisation de la formation des huissiers vise ainsi à doter ce corps de ressources humaines qualifiées. Cette profession est également ouverte aux commissaires de justice ayant une expérience de 10 ans au moins, aux rédacteurs judiciaires et aux secrétaires-greffiers ayant quinze ans d’ancienneté.
Le cadre juridique de cette profession a été revu par la loi du 14 février 2006. Il définit l’huissier comme un auxiliaire de justice qui exerce une profession libérale. Sa mission consiste à procéder à toutes les notifications et procédures d’exécution des ordonnances, jugements et arrêts ainsi que tous les actes et titres ayant force exécutoire. Il ne peut pas cependant procéder à l’évacuation des locaux, aux ventes immobilières et à la vente des navires, des aéronefs et des fonds de commerce. Il a en charge la remise des convocations de justice et les citations à comparaître prévues par le code des procédures pénales. Il peut aussi procéder au recouvrement de toutes les sommes-objet de condamnation ou les sommes dues, en vertu d’un acte exécutoire et, le cas échéant, aux ventes aux enchères publiques des effets mobiliers corporels.
Khadija MASMOUDI