Une partie serrée se joue au tribunal de commerce de Casablanca. Avec comme protagonistes la Société marocaine de stockage (Somas) et ses actionnaires d’une part, et d’autre part, Mohamed El Krimi, syndic chargé de la liquidation de la Samir.
En jeu, les 38% de parts sociales détenues par la Samir dans la Somas, branche spécialisée dans la distribution du gaz. Evaluée à 220 MDH, cette participation a été incluse dans le périmètre de cession de la Samir, en faisant fi du droit de préemption reconnu aux actionnaires de la filiale, parmi lesquels figurent des sociétés comme Afriquia gaz, Total Maroc, Petrom ou encore Vivo Energy Maroc.
D’où la requête de leur avocat, Me Hicham Naciri. Ce dernier a saisi le juge-commissaire en vue de faire constater l’existence du ce droit prévu par l’article 11 des statuts de la Somas, mais aussi par la clause d’agrément stipulée dans le pacte d’actionnaires.
La demande tend, en outre, à la notification du projet de cession aux associés bénéficiaires du droit de préemption. Le juge-commissaire a mis cette requête en délibéré. Verdict le 24 avril 2017.
« Pour l’instant, il ne s’agit pas de faire jouer le droit de préemption ou la clause d’agrément. Nous avons bien conscience qu’il n’y a pas encore eu cession. Mais nous voudrions simplement que leur existence soient constatée. De même, nous voudrions qu’ils soient contenus dans le cahier des charges et dans l’appel à manifestation d’intérêt, de manière à ce que le futur acquéreur sache qu’ils existent », a clarifié l’associé de Me Naciri, Me Naoufal Achergui, lors de sa plaidoirie le 10 avril, dans la salle 2 du tribunal.
Devant les juridictions commerciales, les plaidoiries orales sont peu fréquentes. D’ordinaire, les avocats se contentent de déposer leurs mémoires introductif ou de réponse, la procédure étant écrite. C’est que le droit de préemption est l’une des zones d’ombre du dossier « Samir ». Dans son mémoire déposé le 20 mars 2017, le syndic estime qu’il n’y a pas lieu de faire valoir ce droit puisqu’il s’agit d’une vente judiciaire.
M. El krimi fait valoir, notamment, l’article 473 du code de procédure civile et l’article 302 du code des droits réels. Le premier concerne la participation des copropriétaires en indivision aux adjudications. Le deuxième fait obstacle au droit de préemption dès lors qu’une part indivise a été vendue aux enchères publiques.
Pour Me Achergui, « ces textes ne s’appliquent aucunement au dossier en cours », puisque « nous ne sommes ni devant une adjudication, ni devant une vente aux enchères. Vous ne pouvez pas nous opposer des dispositions auxquelles le législateur a consacré un champ d’application spécifique », tance-t-il.
Dans son mémoire toujours, « le syndic invoque l’ordre public politique, économique et social. Il estime que le droit de préemption, quand bien même il résulterait de l’accord de volonté entre les actionnaires, devient sans effet dès lors qu’il entre en collision avec l’ordre public. »
Pour les requérants, « ce dossier a certes pris de l’ampleur en raison de la nature des intervenants, du poids stratégique de l’entreprise, mais il n’en reste pas moins un dossier juridique ordinaire. Que la Samir ait été mise en liquidation n’implique pas qu’elle soit exonérée de ses obligations », soupire l’avocat de Somas. « En l’absence de base légale expresse, l’ordre public fait office d’option de facilité », ajoute-t-il.
Le liquidateur fait également valoir le préjudice qu’impliquerait l’activation du droit de préemption sur les intérêts de la Samir. Or, « la nature de ce préjudice n’a pas été explicitée. Est-ce un préjudice réel ou hypothétique? Où réside-t-il? Quelle est son étendue? », s’interroge Me Achergui. Intervenant quelques minutes plus tard, l’avocat du syndic répondra qu’il est question de « protéger le tissu économique et les emplois rattachés à l’activité stratégique de la société. »
« Ce qui intéresse les investisseurs, c’est l’unité de production. Rien d’autre. Pensez-vous que les repreneurs soient motivés par les centres d’estivages et les villas à la Marina? De même, l’activité de la Somas consiste à distribuer du gaz, ce qui ne rentre pas dans le cœur de métier de la Samir », explique Me Achergui, arguant que le droit de préemption n’aura aucun impact sur la procédure de cession. Pour la défense, en revanche, « la Samir est un tout homogène. La notion d’unité de production renvoie à l’unité économique entendue dans sa globalité. »
D’usage dans le milieu des affaires, le droit de préemption – appelé aussi droit de préférence – permet aux associés restants d’acquérir les actions ou parts de l’associé qui souhaite les céder à un tiers. Elle permet d’empêcher l’entrée d’inconnus dans la société, et maintenir, comme l’a expliqué Me Achergui lors de sa plaidoirie, « la cohésion entre les actionnaires ».
Un argument auquel répondra de l’avocat du syndic: « la société anonyme est une société par action, où la personne de l’actionnaire n’importe pas. »
Quoi qu’il en soit, le juge-commissaire tranchera le 24 avril.
Abdelali El hourri
http://www.medias24.com/MAROC/DROIT/172479-Samir.-La-Somas-et-ses-actionnaires-veulent-faire-reconnaitre-leur-droit-de-preemption.html