Sabots vs PV: Qui aura le dernier mot?

Sabots vs PV: Qui aura le dernier mot?

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Les automobilistes de Rabat et Casablanca n’ont plus que leurs yeux pour pleurer… pourvu qu’ils aient les poches pleines pour payer! En dépit des multiples attaques judiciaires orchestrées par plusieurs citoyens, le sabot continue de leur mener la vie (au quotidien) dure. Ni les décisions du tribunal administratif de Rabat, ni les déclarations du ministre de l’Intérieur Chakib Benmoussa n’ont réussi à empêcher les poseurs de sabots de sévir.
Est-ce légal d’immobiliser un véhicule? Si oui, qui peut le faire alors?
Il faut d’abord savoir que l’immobilisation forcée d’un véhicule est une prérogative de la police administrative. Celle-ci ne saurait déléguer, selon la charte communale, ses prérogatives à une entité privée (société de parcmètre dans ce cas d’espèce).
Me Mehdi Diouri, avocat et conseil juridique confirme: «Selon la loi, il est vrai que seule une police administrative ou municipale est habilitée à immobiliser les véhicules».
Or les contrats de concession passés par les deux villes avec les sociétés d’horodateurs comportent une délégation tacite de cette prérogative. Pour ne citer qu’un exemple, celui du contrat de concession qui lie la ville de Casablanca à la société Pag Parking. Son article 14 précise clairement que le concessionnaire peut «utiliser les sabots au temps nécessaire». Que suivre alors? Le contrat ou la charte communale?
Normalement, un contrat ne peut pas être contraire à la loi. Me Diouri met néanmoins un bémol à ce principe: «Du moment où un contrat est signé par le ministère de l’Intérieur, et concède un droit précis à une société privée, il peut difficilement être contesté après». Mais il reste contestable. Autrement dit, le Conseil de la ville ou le ministère de l’Intérieur sont libres de déléguer leur prérogative s’ils le jugent nécessaire, et les personnes ayant subi un préjudice sont aussi libres de le contester devant un tribunal administratif. Si celui de Rabat s’est déjà déclaré à ce propos en condamnant cette délégation de prérogative, sa décision n’a pas encore l’autorité de la chose jugée: le dossier est actuellement devant la Cour suprême.
«Combien même cette instance décide que la pose de sabots est illégale, elle n’aura pas réglé la problématique. Parce que les concessionnaires n’ont aucun autre moyen pour obliger les fraudeurs à payer», explique un confrère de Diouri.
De plus, le ministre de l’Intérieur l’a bien spécifié: les contrats liants les sociétés de parking aux communes seront révisés pour permettre aux premières d’agir en toute légalité. En effet, c’est l’administration qui devra régler cette question et elle a pour cela deux choix: le premier serait de créer une police administrative au niveau des communes pour accompagner les employés des sociétés de parking lorsqu’ils comptent immobiliser un véhicule. Le second choix est beaucoup plus réaliste et existe déjà dans plusieurs pays occidentaux: le procès-verbal. La procédure est on ne peut plus simple. Les agents des sociétés de parking font des rondes et verbalisent les automobilistes qui n’ont pas de ticket ou qui ont dépassé l’heure limite de stationnement.
Néanmoins, dans tous les pays qui l’ont adopté pour éviter d’immobiliser les véhicules des particuliers, le système des PV coûte plus cher et par conséquent, les amendes sont plus élevés que les 20 DH que les automobilistes casablancais payent pour faire enlever le sabot.
La vraie question est donc de savoir si les automobilistes sont prêts à payer plus cher la contravention de stationnement?


Rabat/Casablanca

Si Rabat compte 3.000 places de parking environ, sa rivale en compte près de 10.000. La première reçoit un peu moins d’un million de DH par année pour la location de ces places alors que la seconde en reçoit 13 millions de DH. A Rabat, sur 600 tickets délivrés par jour, l’on peut recenser 200 amendes pour retrait de sabots. Les tarifs diffèrent aussi d’une ville à l’autre. Dans la métropole, les automobilistes imprudents payent entre 20 et 30 DH, alors que dans la capitale, le tarif était de 40 DH avant qu’il ne soit réduit à 30 DH l’année dernière.

Naoufal BELGHAZI

Source : L’Economiste du 9 mai 2005

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