Dans la vie d’une entreprise, il est des seuils qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu. En effet, lorsqu’elle vient de démarrer son activité, elle commence petite puis grandit.
Au fur à mesure de son développement, certains indicateurs doivent être surveillés pour ne pas se retrouver en infraction par rapport à différentes législations telles que le code du travail, la législation fiscale, les lois sur la SA et la Sarl ou encore les obligations comptables des commerçants.
De nombreux dirigeants d’entreprises dépassent ces seuils sans jamais prendre les mesures qui s’imposent. En cas de contrôle, les conséquences peuvent être très lourdes. Et il ne faut pas trop miser sur la prescription.
L’un des seuils à surveiller et qui est souvent négligé concerne le cas des Sarl qui atteignent un chiffre d’affaires de 50 millions de DH par an. Elles sont obligées de faire appel à un commissaire aux comptes. «Les Sarl intéressées ne sont pas tenues d’attendre de réaliser ce chiffre d’affaires pour nommer un commissaire aux comptes», précise un expert-comptable.
■ TVA: A partir de 2 millions de DH de chiffre d’affaires
En instaurant la TVA en 1986, le législateur a accordé au contribuable le libre choix d’opter pour la taxe sur la valeur ajoutée dès le début de l’activité. Mais dès qu’il franchit le seuil de 2 millions de DH de chiffre d’affaires par an, il est obligatoire de déposer des déclarations de TVA périodiques.
De nombreux opérateurs dépassent largement ce seuil sans jamais s’en rendre compte et s’exposent involontairement aux risques fiscal et juridique. «Si l’administration fiscale procède à des recoupements sur la base des informations dont elle dispose, elle envoie une notification à l’entreprise qui dépasse le seuil du chiffre d’affaires prévu pour son activité. Elle l’invite à déposer une déclaration rectificative, à défaut de quoi, elle procède à une taxation d’office», prévient Abdeljalil El Abdi, consultant juridique et fiscal. Ancien inspecteur des impôts, il rappelle qu’un chef de secteur peut se rendre compte qu’une entité au régime forfaitaire peut dépasser le seuil du forfait sur la base duquel elle est taxée.
Les contribuables assujettis à la TVA sont également tenus d’effectuer des déclarations mensuelles ou trimestrielles en fonction de leur chiffre d’affaires. Pour le premier exercice, la déclaration est trimestrielle quel que soit le chiffre d’affaires. L’année suivante, à moins de 1 million de DH, la déclaration est toujours trimestrielle. Passé ce seuil, elle doit être effectuée tous les mois. Si le chiffre d’affaires retombe à moins de 1 million de DH, le contribuable peut revenir à la déclaration trimestrielle. Auparavant, la marche arrière n’était pas possible. En effet, il était interdit de changer de périodicité.
Pour éviter de dépasser les seuils réglementaires, chacun a sa propre méthode. La navigation à vue peut jouer de mauvais tours à ses adeptes. «Je tiens un tableau de bord pour chaque client et je l’alimente régulièrement en fonction des dispositions réglementaires adaptées. Le tableau de bord permet de surveiller régulièrement les indicateurs pour chaque obligation. Dès qu’il y a dépassement, cela me permet de tirer la sonnette d’alarme», explique Mohamed Lahyani, expert-comptable.
■ Régime forfaitaire: En dessous de 1 million de DH de chiffre d’affaires
«La surveillance des seuils concerne beaucoup plus les contribuables personnes physiques. Ainsi, pour les auto-entrepreneurs, le seuil du chiffre d’affaires est plafonné à 500.000 DH pour les activités commerciales, industrielles et artisanales et à 200.000 DH pour les prestations de services. En cas de dépassement de ces limitations, ils passent automatiquement au régime de personne physique en s’inscrivant à la taxe professionnelle», précise Ahmed Chahbi, expert-comptable. Ce dernier rappelle également que le contribuable doit vérifier s’il est éligible au régime forfaitaire. Pour le savoir, il faut consulter le décret n° 2-08-124, toujours intégré dans le code général des impôts, qui comporte la liste des activités exclues du régime forfaitaire.
Pour être qualifié au régime forfaitaire, le contribuable doit réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 1 million de DH par an pour les activités commerciales, industrielles et artisanales. Au-delà de ce seuil, il doit automatiquement passer à la comptabilité selon le régime net réel.
■ Attention à ne pas consommer son capital
Bon nombre de sociétés anonymes sont en situation irrégulière par rapport à leurs obligations en matière de capital. Leurs pertes dépassent largement leur capital, mais les actionnaires ne prennent jamais les dispositions nécessaires pour renflouer l’entreprise. «L’article 86 de la loi sur la SA prévoit que lorsque la situation nette d’une société est inférieure à 25% du capital, il faut soit recapitaliser l’entreprise par un apport d’argent frais, soit prononcer sa dissolution. Il reste aussi l’option de réduire le capital social, mesure rarement déployée. Par exemple, dans le cas d’une structure dont le capital de départ était de 1 million de DH et que les pertes sont telles qu’il est réduit à 240.000 DH, la société doit réduire son capital sans descendre du minimum légal qui est de 300.000 DH», explique un conseiller juridique. Dans le cas des sociétés anonymes faisant appel à l’épargne publique, le capital minimum ne doit pas être inférieur à 3 millions de DH. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux Sarl puisqu’elles n’ont pas d’obligation de capital. Mais l’enjeu pour ces structures sera de continuer d’exister dans ces conditions.
Code du travail: Des dispositions à la trappe
PEU de chefs d’entreprise le savent, mais il n’y a pas de seuil pour créer un bureau syndical. «A partir de 4 salariés, il est possible d’en créer un. C’est un droit reconnu pour le personnel même s’il n’est pas prévu par la législation du travail.
L’objectif est de ne pas écarter les petites structures», affirme un professeur de droit. En revanche, pour être obligé d’organiser des élections pour la désignation de délégué du personnel, il faut compter au moins dix salariés. Les délégués étant des interlocuteurs incontournables en cas de licenciement de tout ou partie des salariés pour des raisons technologiques, économiques ou structurelles.
Dès qu’une structure emploie de manière permanente au moins 10 salariés, elle est tenue d’adopter un règlement intérieur et de l’afficher visiblement dans ses locaux. Et ce, dans un délai de deux ans après le démarrage de ses activités. Ledit règlement intérieur doit être auparavant communiqué aux délégués du personnel et aux représentants syndicaux le cas échéant puis validé par le ministère de l’Emploi.
Toute modification doit obéir à la même procédure d’adoption. Sauf que cette disposition prévue par le code du travail est rarement respectée. Les infractions en matière de règlement intérieur, telles que son absence au-delà du délai de deux ans, le défaut de communication au personnel ou un affichage non conforme, sont passibles d’une amende allant de 2.000 à 5.000 DH.
Le code du travail prévoit d’autres obligations qui sont rarement respectées, telles que l’aménagement d’une chambre d’allaitement à l’intérieur du siège ou à proximité d’une entreprise employant au moins 50 salariées de plus de 16 ans. Les conditions de mise en œuvre de cette disposition sont fixées par le ministère de tutelle.
La loi instaure également des services médicaux à partir de 50 salariés, ainsi que l’obligation de recruter une infirmière et une assistance sociale. En pratique, la mesure est contournée par beaucoup d’entreprises. D’ailleurs, le patronat réclame souvent la révision de ces mesures. «En principe, ces dispositions devraient être limitées aux structures exerçant des activités dangereuses ou à risque», suggère l’universitaire. Mais la loi, c’est la loi!
Par : Hassan ELARIF
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