Avant même d’atterrir au Parlement, le projet de loi sur les réseaux sociaux enflamme la toile. La communauté numérique marocaine en particulier critique vivement ses dispositions. Qualifié de «liberticide», l’article sur la pénalisation du boycott est cloué au pilori (voir entretien).
Le projet de loi n°22-20 compte pourtant une trentaine de dispositions. Il a été examiné et adopté le 19 mars 2020 par le Conseil du gouvernement. C’est le ministère de la Justice qui l’a élaboré via sa direction des affaires pénales et de la grâce. Les observations des commissions technique et ministérielle ont été prises en compte lors de l’adoption de ce texte», annonce le gouvernement El Othmani.
Premier bémol, sa mouture est introuvable: elle relève du secret d’Etat. Deuxième bémol, les observations soulevées par les deux commissions n’ont pas été communiquées au public. Troisième bémol, à quoi sert la loi sur le droit d’accès à l’information? Entrée en vigueur le 12 mars 2020, celle-ci oblige à «la publication proactive» des projets de loi notamment.
Quatrième bémol, la communication officielle a certes présenté les grandes lignes du projet de loi. Citons à titre d’exemple «l’instauration de sanctions administratives contre les fournisseurs d’accès aux réseaux sociaux…». Le gouvernement El Othmani a omis en revanche de signaler l’existence de sanctions pénales!
Que prévoit finalement ce projet de loi? «Lutter contre la criminalité électronique et renforcer les moyens de la contrer. Et ce, sans porter atteinte à la liberté de la communication numérique», selon l’exécutif. Il considère ce droit fondamental comme l’une des manifestations de «la liberté d’expression garantie par la Constitution». Le gouvernement veut «mettre fin à un vide législatif» en matière de criminalité informatique. Ce qui n’est pas totalement vrai (voir photo). Le texte fait pourtant polémique malgré ces déclarations de «bonne volonté».
Sa volonté de vouloir sévir contre les fake news et les actes portant atteinte à la réputation et l’honneur des personnes. «Ces pratiques se sont particulièrement propagées durant la pandémie du coronavirus», soutient le gouvernement El Othmani. Jusqu’au 23 avril, les magistrats du ministère public ont arrêté 102 auteurs de fausses nouvelles. L’exécutif rappelle aussi qu’il vise à «mettre en conformité la législation interne avec le droit comparé et les normes internationales». Le Royaume du Maroc a ratifié, le 29 juin 2018, la Convention de Budapest relative à la criminalité informatique.
La liberté de communication et d’expression est un principe. Mais à condition de «ne pas porter atteinte aux intérêts protégés par la loi». Lesquels justement? Boycotter un produit sera-t-il sanctionné au nom de la protection de la liberté d’entreprendre? L’Etat semble vouloir «cadrer» toutes les infractions commises via internet.
L’atteinte à la sécurité publique et l’ordre public économique sont sur la liste. Le projet de loi vise à protéger aussi les mineurs contre la pédophilie notamment. Des obligations ont été édictées pour les fournisseurs des réseaux sociaux. Pas de détails non plus sur leurs futurs engagements. Une procédure «efficace et transparente» sera mise en place pour contrer «les contenus illicites».
Vaste débat lorsqu’il sera question par exemple d’un forum de discussion. Le diable est dans les détails.
Par : Faycal FAQUIHI