L’incitation fiscale greffée à la recapitalisation des entreprises a été reconduite en 2017. Le principe consiste à augmenter le capital d’un montant maximum de 500.000 dirhams et de payer un droit d’enregistrement fixe de 1.000 dirhams. Le même dispositif s’applique aux créations de sociétés et de groupements d’intérêt économique (GIE). La mesure vise à encourager les PME à renforcer leurs fonds propres et indirectement améliorer leur accès au financement. Beaucoup de ces entreprises présentant souvent des bilans déséquilibrés par le recours abusif aux avances en compte courant d’associés.
La mesure a également pour finalité de leur permettre de se conformer à la loi. En effet, l’article 357 de la loi sur les SA et l’article 86 de la loi sur les Sarl disposent que lorsque les pertes cumulées dépassent 75% du capital social, il faut soit recapitaliser la société dans un délai de trois mois, soit la dissoudre.
Une personne intéressée, un fournisseur par exemple, peut introduire une action en justice pour demander cette dissolution. L’augmentation de capital peut s’effectuer par injection d’argent frais ou par conversion des comptes courants d’associés en participations, par incorporation de réserve, bénéfices ou primes d’émission. En plus de l’apport en numéraire, l’autre condition pour payer un droit d’enregistrement fixe de 1.000 dirhams est de ne pas procéder par la suite à une réduction de capital.
Au-delà de 500.000 dirhams, la société doit s’acquitter d’un droit proportionnel de 1% du montant de l’augmentation de capital. Le droit n’est pas progressif. Du coup, dès que le montant dépasse ce plafond, on bascule dans le droit commun. C’est la raison pour laquelle certains chefs d’entreprise sont tentés de fractionner les augmentations de capital.
«Cette mesure n’est pas aussi intéressante que le crédit d’impôt de 20% du montant de l’augmentation du capital qui a été supprimée», rappelle Brahim Bahmad, expert-comptable. Il convient de préciser également que la barre des 500.000 dirhams ne correspond pas au capital social après augmentation. La prime d’émission n’est pas prise en compte dans le montant de l’augmentation de capital. Si les associés décident par la suite de l’incorporer au capital, la transaction n’est pas imposée une seconde fois puisqu’elle a déjà été taxée.
Le dispositif dédié à l’augmentation de capital ou la création de sociétés ou de GIE avait été intégré dans la loi de finances 2013, mais ne répond pas aux attentes des opérateurs économiques. «C’est une mesure dérogatoire au droit commun qui est de 1% du montant de l’augmentation de capital. Par conséquent, je pense qu’elle a été maintenue car le gouvernement n’a pas pu faire adopter le projet de loi de finances», estime Kamal Habachi, avocat d’affaires.
La recapitalisation des PME, et même des structures de plus grande taille, est un sujet d’une actualité brûlante. Depuis la suppression de l’obligation d’un capital minimum, de nombreuses Sarl ont vu le jour. Quelques mois plus tard, certaines ont largement consommé leur capital et se retrouvent dans une situation illégale.
«Cet assouplissement avait pour but d’encourager la création d’entreprises, mais il a été exploité par des fraudeurs pour arnaquer les tiers. Quand on veut conclure des transactions commerciales, il faut avoir un capital minimum. C’est un gage de sérieux pour les créanciers», signale l’avocat d’affaires.
En principe, les sociétés, quelle que soit leur taille, sont tenues de déposer leurs états de synthèse chaque année auprès du tribunal de commerce sous peine de recevoir une amende de 10.000 dirhams. Une disposition qui a pour objectif de protéger les intérêts des tiers en les informant sur la situation financière exacte de chaque entreprise. Mais cette obligation n’est pas toujours respectée. Or, ce sont les présidents des tribunaux de commerce qui doivent mettre en demeure les défaillants et de sévir en leur infligeant une amende. Le ministère de la Justice devrait améliorer le système d’information du registre de commerce national pour qu’un système d’alerte se déclenche à chaque fois qu’une société n’a pas déposé ses bilans dans les délais. Dans le cas contraire, il sera impossible d’avoir une cartographie fidèle du tissu économique national.
Reste maintenant à voir si cette mesure sera efficace au vu de la sous-capitalisation structurelle de la majorité des entreprises. De plus, la limitation à 500.000 dirhams réduit la portée du dispositif. Le droit d’enregistrement fixe de 1.000 dirhams s’applique également aux opérations de transfert de biens d’investissement destinés à la restructuration de groupes et des entreprises (Voir L’Economiste du 26 décembre 2016).
Attention aux promesses d’apport
La mesure telle qu’intégrée dans le décret du 31 décembre 2016 ne précise pas si les promesses d’apport sont concernées. Sauf que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Ainsi, afin de donner un maximum de garanties aux tiers et s’assurer des opérations sur le capital de la société, «il faudra vérifier à l’actif circulant du bilan «Comptes d’associés» et plus particulièrement le compte 3462 du plan comptable marocain «Actionnaires – capital souscrit et appelé non versé», pour déduire l’état du capital et l’exigibilité des créances sur les associés», signale Mohamed Lahyani, expert-comptable.
Les apports en nature exclus
Outre l’injection d’argent frais, une société peut augmenter son capital via un apport en nature tel qu’un bien immeuble, foncier ou un équipement. Dans ce cas, le concours d’un commissaire aux comptes est incontournable. Sa mission consiste à déterminer la valeur exacte de l’apport. Sauf que ce mode d’augmentation de capital, même inférieur à 500.000 dirhams, n’est pas éligible au droit d’enregistrement fixe de 1.000 dirhams. Il est plutôt soumis au droit proportionnel de 1%. L’avantage n’étant réservé qu’aux opérations d’augmentation de capital en numéraire.
Hassan EL ARIF
http://www.leconomiste.com/article/1008820-pme-c-est-le-moment-d-augmenter-le-capital