Selon des sources parlementaires, la tenue d’une session extraordinaire n’est pas prévue pour le Parlement. La clôture de l’année législative reporte, de fait, d’importants textes à la prochaine législature. Certains n’ont pas encore entamé leur processus législatif. D’autres sont bloqués, voire oubliés depuis plusieurs années.
L’information qui circule concernant la tenue d’une session parlementaire extraordinaire de 15 jours a été réfutée par des sources parlementaires contactées par nos soins.
L’une d’elles est catégorique. Elle affirme que “la tenue d’une session extraordinaire n’est pas du tout discutée”. L’autre confirme l’absence d’une telle programmation mais n’en exclut pas la possibilité compte tenu de “l’importance des textes prévus au menu du conseil de gouvernement de ce jeudi”.
La clôture du Parlement prévue pour ce 15 juillet, sans une convocation pour une session extraordinaire, signifie, sauf changement, que d’importants textes (projets et avant-projets de lois) ne verront pas le jour durant cette législature. Certains d’entre eux sont stratégiques et (très) attendus depuis plusieurs années.
En effet, des projets de lois organiques font partie du lot de textes toujours en suspens. La plupart sont un héritage du gouvernement précédent. Ils ne sont passés ni pendant le gouvernement de l’après-Constitution, ni le suivant.
Si certains textes sommeillent au Parlement depuis plusieurs années, d’autres n’ont même pas entamé leur circuit législatif. Il s’agit notamment de l’avant-projet de loi sur le code de procédure pénale, celui portant sur l’usage des moyens électroniques dans les procédures judiciaires ou encore celui régissant la profession d’avocat.
Voici les principaux textes stratégiques faisant l’objet de blocages et de retards et remis à la prochaine législature.
>> Projet de loi organique sur l’exception d’inconstitutionnalité
Le mystère plane toujours quant aux raisons derrière le retard de ce texte révolutionnaire. Son importance est telle que soulignée par la CSMD dans son rapport. Elle rappelle qu’ »une justice au service du citoyen, ainsi que l’a voulu Sa Majesté le Roi, requiert une plus forte appropriation de la Constitution par les citoyens, à travers la levée des obstacles au droit des citoyens à présenter des motions en matière législative et à saisir le juge pour exception d’inconstitutionnalité« .
Validé par les deux chambres, le projet de loi organique a été soumis à la Cour constitutionnelle qui s’est prononcée en 2018, en invalidant certaines de ses dispositions. Depuis, le texte aurait dû être amendé par le gouvernement puis à nouveau déposé au Parlement pour compléter le circuit législatif. Or suite à son approbation en Conseil des ministres le 4 juin 2019, le texte est tombé dans l’oubli.
Ce projet de loi organique permet aux justiciables d’invoquer, au cours d’un procès, que la loi dont dépend l’issue du litige est non-conforme à la Constitution.
L’exception peut être soulevée devant n’importe quelle juridiction, mais c’est la Cour constitutionnelle qui rend la décision. Entre temps, l’action judiciaire est suspendue. Si la Cour estime que le texte est inconstitutionnel, ce dernier est abrogé. Car si le recours est individuel, ses effets n’en demeurent pas moins généraux et impersonnels.
>> Projet de loi organique encadrant la grève
Prévu par l’article 29 de la Constitution, le texte avait été déposé en 2016 à la Chambre des représentants. Sa présentation en commission n’a été programmée que le 16 septembre 2020, avant d’être annulée aussitôt.
Selon les sources sondées par Médias 24, le report a été décidé par le gouvernement qui compte ouvrir les consultations avec les différents partenaires sociaux avant de reprogrammer le projet.
Depuis, pas de consensus et pas de reprogrammation. Le texte est toujours bloqué.
>> Code pénal
La réforme pénale, freinée depuis 2016, devra encore attendre. Le texte fait l’objet de polémiques mais aussi de critiques, notamment de la part du ministre de la Justice, Mohammed Benabdelkader, en janvier 2021.
Ce dernier estime que ce texte est insuffisant tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Il pointe du doigt l’absence de dispositions sur les libertés individuelles.
Pour rappel, l’actuel ministre d’Etat en charge des droits de l’Homme et ancien ministre de la Justice, Mustapha Ramid, a publié en avril 2021, une note explicative pour appeler à l’accélération du projet de code pénal et en a listé les principaux apports. Il s’agit, entre autres, de l’incrimination de la disparition forcée et de l’enrichissement illicite.
A noter que la question relative à l’enrichissement illicite est la dernière raison de blocage du texte au Parlement.
En désaccord sur la nature et la sévérité des sanctions à appliquer, les groupes parlementaires n’ont pas réussi à trouver un consensus autour de la question.
>> Avant-projet de code de procédure pénale
Bloqué au niveau du secrétariat général du gouvernement, le projet du code de procédure pénale est attendu depuis 2015. Invoqué par des parlementaires pour justifier l’attentisme autour du code pénal, le texte est toujours au stade d’avant-projet.
En 2019, il était en cours de finalisation au secrétariat général du gouvernement. Deux ans plus tard, la situation n’a pas été débloquée.
>> Avant-projet de loi sur l’usage des moyens électroniques dans les procédures judiciaires
Prioritaire, notamment en contexte de pandémie, l’avant projet de loi sur l’usage des moyens électroniques dans les procédures judiciaires vient encadrer le « tribunal numérique », une pratique lancée en fin avril 2020, dans le cadre d’une expérience qui n’a toujours pas de base légale.
Élaboré en mai 2020 par le ministère de la Justice, le texte s’est heurté aux réticences des professions judiciaires qui en ont demandé le report.
Comme annoncé dans nos colonnes, ce texte stratégique a été transmis au secrétariat général du gouvernement, mais il devra attendre la prochaine législature.
>> Avant-projet de loi régissant la profession d’avocat
Alors qu’une première version, représentant les demandes d’une partie de la profession, a été élaborée en octobre 2020, la refonte de la loi régissant la profession d’avocat est toujours au point mort.
Les raisons sont difficiles à déterminer. Pour le ministère de la Justice, le retard de ce texte serait dû aux tardives élections de l’association des barreaux du Maroc. Le changement du bureau de l’ABAM a, de fait, suspendu les négociations entre la profession et le ministère de tutelle.
Du côté de la profession, Me Hassan Birouaine, ancien bâtonnier du barreau de Casablanca estime que la balle est dans le camp du ministère, puisque le travail relatif à la loi sur la profession d’avocat réalisé par l’association durant le précédent mandat a été “finalisé”.