Organisation judiciaire: Le ministère de la Justice révise sa copie

Organisation judiciaire: Le ministère de la Justice révise sa copie

Publié le : - Auteur : Media24

Le projet de loi relatif à l’organisation judiciaire du Royaume a été amendé par le ministère de la Justice, suite à la décision de la Cour constitutionnelle en février 2019. Certaines des irrégularités relevées par la Cour ont été modifiées par le ministère, d’autres ont été abandonnées. Détails.

La commission de justice de la chambre des représentants se réunira ce mardi 6 juillet pour examiner et voter le projet de loi 38.15 sur l’organisation judiciaire du Royaume, amendé par le ministère de la Justice, suite à la décision de la Cour constitutionnelle du 8 février 2019.

Les amendements apportés au texte pour remédier aux irrégularités relevées par la Cour constitutionnelle ont été présentés par Mohammed Benabdelkader, ce mardi 29 juin, lors de la réunion de la commission de justice.

Certains de ces amendements portent sur la supervision et le contrôle des missions du secrétariat greffe. D’autres concernent les missions d’inspection octroyées au ministère de la Justice, tandis que les autres dispositions amendées relèvent des modalités de tenue des assemblées générales du tribunal, ainsi que des modalités de désignation de certaines catégories de magistrats.

Pour rappel, le processus législatif du projet de loi sur l’organisation judiciaire a été lancé en 2015 avant d’être adopté par le Parlement en deuxième lecture en 2018, puis transmis à la Cour constitutionnelle qui a rendu sa décision le 8 février 2019 en mettant en exergue les irrégularités de certaines dispositions. Celles-ci ont été révisées par le ministère de la Justice et présentées, une à une, aux membres de la commission de justice.

Nomination de magistrats: Une prérogative du CSPJ, non pas celle de son président-délégué

Selon le ministre, “la Cour constitutionnelle a rappelé, dans sa décision, un principe de base relatif à la nomination de certaines catégories de magistrats. Il réside dans le fait que la seule partie en mesure de nommer les magistrats est le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire”.

“Pour produire les effets juridiques de cette décision, il a été décidé d’attribuer la nomination des juges de famille, ceux chargés du mariage, les juges chargés des affaires notariales, les juges chargés des mineurs, les juges d’instruction, juges d’application des peines et les conseillers chargés des mineurs ainsi que ceux chargés de l’instruction, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et non pas au président-délégué du CSPJ” comme le prévoyait le projet de loi dans sa mouture adoptée par le Parlement et soumise à la Cour constitutionnelle, explique M. Benabdelkader.

Toujours en matière de prérogative de nomination, la Cour constitutionnelle a également souligné que “les tribunaux de commerce et les cours d’appel de commerce sont indépendants et spécialisés”. De ce fait, “la spécialité de la justice commerciale nécessite la spécialisation de ses responsables judiciaires”. Ainsi, la Cour constitutionnelle estime que le législateur ne peut pas prévoir la désignation d’un représentant du parquet près les tribunaux commerciaux, par le procureur du roi près le tribunal de première instance, ni la désignation du représentant du parquet près la cour d’appel de commerce par le procureur général du roi près la Cour d’appel.

Une telle disposition a été considérée par la Cour comme contraire à la Constitution, à la loi organique relative au CSPJ et à celle portant statut des magistrats.

Ainsi, il a été décidé de “maintenir le système actuel” qui se distingue par “la présence de procureur du roi et de ses substituts au tribunal de commerce et celle du procureur général du roi et ses substituts près la Cour d’appel de commerce. Il n’y aura pas désignation d’un représentant du ministère public”, explique le ministre.

Assemblée générale du tribunal : L’introduction du système de vote abandonnée

Autre amendement apporté par le ministère de la Justice: celui relatif aux modalités d’organisation de l’assemblée générale du tribunal.

Dans la mouture présentée à la Cour constitutionnelle, le projet de loi 38.15 a introduit un système de vote à l’assemblée générale du tribunal, en omettant de prévoir une alternative au cas où l’assemblée générale ne se réunit pas en l’absence du tiers de ses membres.

Aussi, la Cour constitutionnelle soulève que “le législateur n’a pas prévu le cas où l’assemblée générale du tribunal, qui se réunit pour la deuxième fois, ne parvient pas à adopter, à la majorité, le programme des activités de l’année judiciaire”.

Pour le ministre, le fait d’introduire un système de vote à l’assemblée générale du tribunal nécessite de prévoir tous les scénarios par le législateur. Il estime, par ailleurs, que “ce système de vote va faire perdre, au responsable judiciaire, son autorité au sein du tribunal. Ainsi, il ne pourra pas être tenu pour responsable pour un programme qui lui a été imposé”.

Au vu de ces considérations, il a été décidé de supprimer le système de vote à l’assemblée générale du tribunal et d’attribuer la mission de préparation d’un programme d’organisation du travail au sein du tribunal au bureau du tribunal, dont la composition est précisée dans les articles 27, 28 et 91. Pour le ministre, cette option “garantit une approche participative”.

Le ministère de la Justice a également décidé d’abandonner la disposition visant à unifier le secrétariat greffe au sein du tribunal et choisi de maintenir l’organisation actuelle en précisant que “les fonctionnaires du secrétariat greffe exercent leurs fonctions de nature judiciaire, sous l’autorité et le contrôle des responsables judiciaires”.

De ce fait, “les fonctionnaires du secrétariat greffe qui exercent leurs missions au ministère public sont sous l’autorité et le contrôle du responsable judiciaire au ministère public”, ajoute le ministre.

Institution du secrétaire général : une idée mort-née

Quant au secrétaire général, nouvelle institution créée par le projet de loi 38.15, la Cour constitutionnelle a indiqué que lui octroyer des missions d’ordre judiciaire (tel que celle d’assister aux audiences), alors qu’il est soumis à l’autorité du ministère de la Justice est une disposition contraire à la Constitution.

Il a donc été décidé de ne pas alourdir l’administration judiciaire avec cette nouvelle institution qui ne lui apporte “aucune valeur ajoutée”. De plus, le secrétaire général n’est pas investi de nouvelles missions, il s’agit des mêmes exercées par les chefs du secrétariat greffe, les chefs du secrétariat du ministère public et par les fonctionnaires du ministère de la Justice près des Cours d’appel.

Autre irrégularité soulevée par la Cour constitutionnelle: celle de l’article 52 relatif au bureau d’aide sociale, dont les modalités de création et dont la composition n’ont pas été précisées par le législateur.

“La Cour constitutionnelle n’a pas été en mesure de déterminer si la nature de ce bureau est administrative ou judiciaire”, souligne le ministre.

L’article 52 a donc été amendé pour indiquer que le bureau d’aide sociale “est considéré comme faisant partie de la structure administrative des tribunaux” et qu’il devra présenter des rapports aux responsables judiciaire et administratif du tribunal, outre des rapports à soumettre au ministère de la Justice, portant sur des statistiques, études mais aussi sur les difficultés et contraintes rencontrées.

Enfin, en matière d’inspection des tribunaux, la Cour constitutionnelle a considéré que le fait de concéder, à travers une loi, l’organisation de l’inspection administrative et financière des tribunaux au ministère de la Justice “n’a aucune base constitutionnelle” et “nécessite une organisation via une loi organique”.

Le projet de loi révisé par le ministère prévoit désormais que l’inspection des tribunaux soit effectuée par l’inspection générale des affaires judiciaires (du CSPJ) et par l’inspection générale du ministère de la justice, sachant que chacune devra se limiter à ses prérogatives.

La première sera chargée de l’inspection judiciaire, tandis que la seconde opèrera une inspection administrative et financière.

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