Le Maroc s’intéresse à ses racines
Si la visite officielle historique du président rwandais au Maroc, Paul Kagame, les 20 et 21 juin derniers, avait été l’occasion pour Rabat et Kigali de baliser la voie à une meilleure coopération économique, ce déplacement de l’homme fort de Kigali a certainement été déterminant dans la prise de l’une des plus importantes décisions de la diplomatie marocaine. En effet, à peine un mois après cette visite, le Maroc annonçait son intention de regagner sa «famille africaine naturelle». Cette demande de (re)intégration à l’Union africaine (UA) a été formulée par un message royal, le 17 juillet, lors du 27e Sommet des chefs d’États de l’UA à Kigali, la capitale du Rwanda. 32 ans après son départ fracassant de la plus haute instance panafricaine, le Maroc a suscité un grand engouement en formulant cette requête, officiellement transmise à la présidence de la Commission de l’UA le 22 septembre. Depuis, la procédure qui a priori ne devait être qu’une simple formalité, s’est apparemment enlisée. Le royaume est même allé jusqu’à reprocher publiquement à la présidente sortante de l’UA, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, d’obstruer son retour. Quoiqu’il en soit, le prochain Sommet de l’UA prévu fin janvier à Addis-Abeba, permettra à coup sûr de tirer cette affaire au clair. Le Maroc clame avoir reçu plus que le nombre de soutiens nécessaires (2/3 des États membres), alors que l’actuelle Commission de l’UA exige des engagements fermes du royaume pour respecter les frontières des États, c’est-à-dire, de ne pas remettre en cause la présence de la «RASD» au sein de l’UA, ce qui est loin d’être gagné. Pire, cette volonté de retour du royaume à l’UA a permis de dévoiler au grand jour l’inimité continue et le bras de fer dommageable auxquels se livrent le Maroc et l’Algérie sur la scène continentale.
Nouvelle orientation
En dehors de cette demande de retour à l’UA, le Maroc a ouvert en 2016 un front longtemps resté en repérage : l’Afrique anglophone. Après plus d’une décennie de fort encrage sur les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et du centre, le Maroc a mis à profit cette belle expérience et «tenté» enfin l’Afrique anglophone. Cette connexion s’est faite en octobre dernier avec une tournée royale historique dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est. Le périple anglophone du roi Mohammed VI et de sa forte délégation d’officiels et d’hommes d’affaires a démarré avec le Rwanda, puis la Tanzanie, avant de se poursuivre plus tard en Éthiopie et de prendre fin chez le géant nigérian. Plusieurs dizaines d’accords de coopération ont été signés durant ces séjours. Sur le plan économique, de grands projets d’investissements ont été annoncés. L’Office chérifien des phosphates (OCP) va ainsi construire une usine d’engrais en Éthiopie pour un investissement de 3,7 milliards de dollars, ainsi qu’au Nigéria, en partenariat avec le groupe Dangote pour un montant de 2,5 milliards de dollars. Cette forte implication de l’OCP montre à quel point le royaume fait du secteur agricole un de ses jokers favoris sur le continent. Avec le géant nigérian, il a été convenu de construire un gazoduc ouest-africain à destination de l’Europe. Contrairement à l’Afrique francophone, où elles raflaient facilement les établissements bancaires, les banques marocaines, n’ont réussi pour leur part, qu’à signer des partenariats avec les géants bancaires des pays visités, hormis au Rwanda où Attijariwafa bank a pu racheter la Cogebanque. Le groupe Banque Centrale Populaire (BCP) tentera, en ce qui le concerne, de se lancer dans la micro-finance dans plusieurs économies d’Afrique de l’Est. En dehors de cette région très dynamique et prometteuse, le roi Mohammed VI a une nouvelle fois, comme durant l’ensemble de ses tournées africaines, effectué une visite au Sénégal, premier partenaire du Maroc sur le continent. La République de Madagascar a également eu droit à une visite royale ponctuée par la signature de 22 accords et de conventions entre les deux parties.
Sommet africain de l’action
Le Maroc a profité de la COP22 à Marrakech pour organiser une rencontre historique en son genre : le premier Sommet africain de l’action. Ce rassemblement tenu le 16 novembre dans la ville ocre a réuni une quarantaine de pays du continent avec la participation effective de plus d’une dizaine de chefs d’États. Durant ce sommet, le «leadership» du roi Mohammed VI a été mis en avant par ses pairs africains, notamment le président rwandais Paul Kagame. Cette réunion s’est soldée par une déclaration engageant les pays participants à harmoniser leurs stratégies pour faire face aux défis posés par le changement climatique. À cette occasion, le royaume a proposé de mettre son «savoir-faire à la disposition de ses partenaires». Dans son discours, le roi Mohammed VI avait indiqué que le Maroc «animera un réseau africain d’expertise climatique, à partir du Centre de compétences en changements climatiques installé au Maroc». Enfin, dans le cadre de la présidence marocaine de la COP22, le souverain promet d’ériger en priorité africaine la «mobilisation des financements publics, la diversification des montages financiers et la facilitation de l’accès aux fonds consacrés au climat».
Les IDE marocains en hausse
Selon le ministère de l’Economie et des finances, les IDE marocains sur le continent ont plus que doublé en 2015 par rapport à l’année précédente. Ils ont atteint 3 MMDH, soit plus de 51% des IDE marocains à l’étranger. Entre 2007 et 2015, le secteur des banques a investi quelques 8,53 MMDH, soit 47% des IDE marocains en Afrique. Les télécommunications pointent à la 2e place, totalisant plus de 4,4 MMDH, soit 23% des investissements réalisés en Afrique. L’industrie vient en troisième position, avec un peu plus de 1 MMDH au cours des huit dernières années, devant les prises de participation dans des holdings africaines et qui ont enregistré la principale opération en 2015 avec un investissement de l’ordre de 620,5 MMDH. Par ailleurs, selon une enquête réalisée par le cabinet BearingPoint, en partenariat avec l’ASMEX auprès d’entreprises marocaines, le continent pèse plus de 5 % des revenus pour près de la moitié des répondants, et 20 % d’entre elles estiment que l’Afrique constituera plus de 50 % de leur chiffre d’affaires global dans les cinq prochaines années.