Démocratiser les syndicats. A première vue l’opération peut paraître risquée puisqu’elle pourrait se heurter aux résistances de certains syndicats. Mais l’aboutissement du dossier dépendra de la volonté politique et nécessitera du tact de la part du ministère de l’Emploi, lequel vient de remettre le projet de loi sur les syndicats professionnels aux partenaires.
Habitués à une gestion «familiale», certaines centrales vont certainement s’opposer à la mise à niveau proposée. D’abord parce qu’il conditionne la subvention de l’Etat par le respect de certaines règles élémentaires de gestions, soit la tenue d’une comptabilité et l’instauration du contrôle de la Cour des comptes pour les syndicats que l’Etat subventionne. Ensuite parce que le projet de loi introduit de la transparence en fixant certaines règles. Celles-ci si elles sont respectées, introduiraient plus de démocratie dans le fonctionnement des syndicats.
Composé de 83 articles répartis en six sections, le projet propose de doter le champ syndical d’un cadre réglementaire moderne à même de les sortir de l’archaïsme dans lequel ils s’enlisent au point qu’ils sont frappés par une désaffection sans précédent. D’ailleurs le taux de syndicalisation reste faible et pose des problèmes puisqu’il est difficile de discuter avec des salariés qui ne sont pas organisés.
Ce texte, qui sera enrichi par les remarques des syndicats, consacre toute une section à leur financement. Un sujet jusque-là tabou et que les organisations syndicales refusent de discuter. D’ailleurs, à part la subvention accordée par l’Etat et inscrite annuellement dans le budget général, rien ne filtre sur les finances des organisations syndicales. Même le montant des cotisations perçues des adhérents reste une donne qu’ils refusent généralement de communiquer. Le projet de loi détaille ainsi les ressources financières des organisations. A côté de la subvention de l’Etat et des cotisations des adhérents, elles comptent aussi les aides accordées par des organisations étrangères. Celles-ci doivent être au préalable déclarées au niveau du Secrétariat général du gouvernement conformément à la réglementation en vigueur.
Pour faciliter la réception des cotisations, l’article 48 prévoit la possibilité pour le syndicat professionnel de demander à l’employeur de déduire le montant de la cotisation du salaire de son adhérent. Pour cela, un accord signé par l’adhérent est obligatoire. Le prélèvement de la cotisation peut s’arrêter à tout moment par l’adhérent.
Autre mesure, l’obligation faite aux centrales les plus représentatives et qui bénéficient de la subvention de l’Etat d’arrêter annuellement leurs comptes et les faire certifier par un expert-comptable de leur choix. Une disposition qui ne risque pas d’être du goût des syndicats qui seront également tenus de sauvegarder les documents comptables pendant 10 ans.
Ce projet qui introduit le contrôle de la Cour des comptes considère que l’utilisation, totale ou partielle, de la subvention reçue de l’Etat à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été octroyée comme un détournement de deniers publics. Elle serait donc sanctionnée.
Comme pour les partis politiques, le syndicat qui ne réunit pas son congrès durant quatre années perd son droit à la subvention, qu’il recouvre à compter de la date de régularisation de sa situation.
Côté constitution et fonctionnement, les syndicats sont tenus d’avoir un règlement interne et des statuts qui fixent aussi bien les fondements que les objectifs. Les statuts doivent également prévoir des dispositions qui garantissent la représentativité féminine. Le volet représentativité syndicale n’a pas connu de changements notables. Le seuil minimal pour qu’un syndicat soit représentatif au niveau national reste fixé à 6%. L’article 37 du projet de loi parle aussi de critères d’indépendance du syndicat et de sa capacité «contractuelle». Le contenu de ce dernier critère sera défini par arrêté du département de l’Emploi.
Ce projet de loi que les syndicats s’apprêtent à discuter en interne consacre toute une section à la protection du droit syndical. Les discriminations en raison de l’appartenance syndicale ainsi que l’entrave à la liberté syndicale sont ainsi interdites.
Prison et amendes
Des peines d’emprisonnement et des sanctions financières sont prévues par le projet de loi. Mais le texte ne précise ni durée, ni montants. Le département de l’Emploi préfère certainement négocier avec les syndicats des niveaux des sanctions pour non-respect à la législation et aussi pour toute entrave à la liberté syndicale.
Khadija MASMOUDI