La Cour constitutionnelle vient de rendre public son arrêt relatif au recours introduit contre la loi 79-14 portant création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (Apald). Les sages de la Cour ont rejeté le recours déposé par 84 députés de la Chambre des représentants mettant en cause la constitutionnalité de certains articles de cette loi adoptée par le Parlement en août dernier. Il s’agit essentiellement des articles 1, 2, 3 et 4, qui selon les dépositaires du recours sont non conformes au préambule de la Constitution, notamment ses articles 1, 19, 159, 164.
Pour le détail, les députés ont estimé que l’article premier de la loi en question ne garantit pas l’indépendance administrative de l’Autorité, ce qui impacterait négativement «sa personnalité morale et son indépendance financière». Dans sa réponse, la Cour constitutionnelle a avancé que l’octroi de la personnalité morale à l’Apald lui garantit automatiquement l’indépendance administrative. D’autant plus que la loi a prévu des mesures assurant le fonctionnement de l’Autorité et les prérogatives de son président et ceux de son secrétaire général. S’y ajoute la mise en place d’un règlement intérieur qui, aux termes de la loi, sera adopté par le Conseil de l’Autorité et régira ses instances administratives et techniques. L’absence d’un équilibre entre les attributions de l’Apald en matière de protection et de promotion des droits (article 2) a été également soulevée par les dépositaires du recours. De leurs avis, la loi a doté l’Apald de 11 prérogatives en matière de promotion, contre seulement 2 en matière de protection. «Ce qui va à l’encontre du but pour lequel l’Autorité a été créée». Il s’agit essentiellement de l’article 164 de la Constitution, qui a placé l’Apald parmi les instances de protection et de promotion des droits de l’Homme. Une critique qui rejoint celle faite par le Conseil national des droits de l’Homme qui a estimé, dans son avis relatif au projet de loi, que «le texte de loi a réduit substantiellement les attributions de l’Autorité en matière de protection».
La Cour constitutionnelle a été claire en affirmant que les dispositions de la loi sur l’Apald sont conformes à l’article 164 de la Loi fondamentale dans la mesure où elle s’est basée sur l’article 19 de la Constitution qui évoque de manière générale la mission de l’Apald sans préciser les prérogatives de protection et de promotion de l’Autorité. D’autant que l’article 19 a consacré, de manière non équivoque, l’égalité entre les hommes et les femmes en matière des droits et des libertés.
Les sages de la Cour constitutionnelle se sont également appuyés sur la mission principale assignée à l’Apald, en l’occurrence la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes en évitant ainsi le chevauchement des attributions de l’Apald et celles du Conseil national des droits de l’Homme.
Toujours sur ce registre, le recours des députés a porté sur l’attribution de l’Apald en matière d’autosaisine concernant les projets et propositions de lois soumis au Parlement. Pour les députés, l’obligation faite à l’Autorité de donner son avis sur les projets avant leur adoption par le gouvernement est de nature à empiéter sur ses prérogatives en matière d’autosaisine des projets et propositions qui sont au niveau du Parlement. Dans son argumentaire, la Cour constitutionnelle a estimé que cette disposition n’était pas en contradiction avec la Constitution dans la mesure que les deux Chambres du Parlement peuvent saisir l’Autorité pour avis. En plus, celle-ci est autorisée, aux termes de la loi, à faire des propositions et des recommandations pour affiner les textes de loi. Sur ce point, la Cour constitutionnelle a fait référence au principe de la séparation et de l’indépendance des pouvoirs, tel qu’il est consacré par la Constitution.
S’agissant de la composition de l’Apald, le recours fait par les députés de la première Chambre a pointé l’indépendance de l’Autorité, compte tenu de sa configuration, jugée non équilibrée, vu l’hégémonie des représentants du pouvoir exécutif. Dans cette lignée, les députés estiment que la présence des représentants des administrations publiques (2), du Conseil supérieur des oulémas (1) et un magistrat nommé par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire impactera négativement l’indépendance de l’Autorité. Sur ce volet, la Cour constitutionnelle a affirmé que la composition de l’Autorité est conforme à la Constitution, vu que ses membres, quelle que soit l’autorité qui les a nommés, exercent leurs attributions de façon intuitu personae, et non pas en tant que représentants de leurs institutions. Pour toutes ces considérations, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours introduit contre la loi portant création de l’Apald et déclaré que le texte était conforme à la Constitution.
Par : Soumiya BENCHERKI
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