Le ministre de la Justice, Abdelwahed Radi, se veut bâtisseur. Ce sont 22 juridictions qui sont en cours de construction. Sur le plan législatif, un énorme chantier a été entamé. Le statut des magistrats et leur Conseil restent par ailleurs un élément central de la réforme de la justice. Pour le budget, Radi évite de politiser le sujet. Il se veut aussi consensuel.
– L’Economiste: Lors de la discussion du projet de loi de Finances, vous avez demandé un arbitrage royal. Est-ce si difficile d’obtenir le budget d’une réforme jugée pourtant prioritaire?
– Abdelwahed Radi: Dans un gouvernement, il y a toujours des contraintes. Le Maroc n’est pas un pays rentier. La fixation des priorités pose parfois des problèmes. Et il faut donc trancher… Pour le budget de fonctionnement 2010, nous avons obtenu une augmentation de plus de 77% par rapport à 2007… C’est pour les salaires, qui ont un poste budgétaire propre, que nous avons réclamé une augmentation au profit des magistrats et fonctionnaires de la justice. C’est sur ce point-là que nous avons pensé à un arbitrage royal au cas où l’on n’arrive pas à un consensus.
– Les magistrats demandent que la gestion de leur carrière relève exclusivement du Conseil supérieur. Qu’en pensez-vous?
– L’exclusivité de la gestion relève des compétences et la représentativité de la composition. Cette demande est déjà satisfaite par la Constitution: c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui se charge de la nomination, des promotions, mutations…. La vice-présidence, assurée par le ministère, est prévue par la loi. Le ministre de la Justice a ainsi deux casquettes: lorsqu’on se réunit au Conseil, je suis vice-président et non pas ministre.
– Quelles sont les nouveautés du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature?
– Lui dédier une loi est en soi une réforme. Jusqu’à présent, c’est la Constitution qui régit le Conseil. La loi contient les directives royales annoncées par le discours du 20 août dernier: revoir la composition du Conseil, assurer la représentativité des femmes magistrates, de nouvelles prérogatives, une autonomie financière, un siège et une administration… Le mode d’élection connaîtra certainement des changements.
Pour le statut des magistrats, nous réviserons les échelons administratifs, le système d’avancement et de promotion… Un magistrat débute avec un 3e grade et le garde pendant dix ans. Ce délai sera raccourci. Les magistrats avec grade exceptionnel sont aussi concernés…
– La modification de l’organigramme du ministère est d’actualité…
– D’abord il faut décentraliser les pouvoirs auprès des directeurs des 21 circonscriptions judiciaires. Et qui s’occupent essentiellement des questions matérielles (constructions…). Tous les crédits leur seront ainsi délégués. Le président de la Cour d’appel aura des pouvoirs supplémentaires: mutations à l’intérieur de sa circonscription, inspection… La décentralisation va avoir une incidence sur l’organigramme du ministère. Des pouvoirs de l’Inspection générale seront délégués aux présidents des Cours d’appel. Les circonscriptions judiciaires auront des prérogatives relevant des directions de l’équipement et du budget… L’étude en cours sur la modification de l’organigramme va nous permettre de savoir s’il y aura des directions qui vont fusionner ou disparaître.
– Notre droit pénal est basé sur l’idée de vengeance. Il n’y a pas par exemple de conciliation prévue tout au long de la procédure judiciaire….
– Voilà justement un texte sur lequel on travaille. Le Souverain a évoqué d’ailleurs le souci d’équité. Tout ce qui constitue un obstacle à ce principe sera modifié. Il y a par ailleurs 7 commissions: celle du Conseil supérieur des magistrats; du statut des magistrats; organisation judiciaire; de la législation pénale et observatoire de la criminalité; des affaires civiles (code civil, registre de commerce…). Une trentaine de textes sont concernés par la réforme. A l’avenir, il y en aura plus…
– La construction de 22 juridictions va-t-elle modifier la carte judiciaire?
– Les constructions sont réalisées en fonction de la carte judiciaire. Nos juridictions comptent aussi des centres de juges résidents, dont 70 sont vides. Les centres seront promus en tribunal pour que chaque province en ait un. Certains demandent la réduction des Cours d’appel, d’autres demandent d’avoir autant de Cours que de régions. Nous allons harmoniser la carte judiciaire avec l’organisation administrative. Mais aucune décision ne sera prise par le ministère avant que la réforme de la régionalisation ne soit prête.
Propos recueillis par Faiçal FAQUIHI