Impôts: Ces articles de la peur

Impôts: Ces articles de la peur

Publié le : - Auteur : L'Economiste

Pour bien des particuliers, dirigeants des petites entreprises et professions libérales, c’est la nouvelle terreur. Les fameux articles 29 et 216 du Code général des impôts qui traitent de l’examen de la situation fiscale individuelle font trembler plus d’un à la réception de l’avis de vérification. A en croire les spécialistes à Casablanca, il suffit d’avoir acquis un bien immobilier de plus de 2 millions de dirhams pour être suivi par le «radar» de l’administration. Dans le jargon interne au fisc, il s’agit de scruter les indicateurs de dépense du contribuable et d’en étudier la cohérence avec le contenu de sa déclaration.
Depuis peu, le fisc s’est rappelé qu’il disposait d’une arme de dissuasion contre les «professionnels» de l’évasion fiscale. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui le fisc pratique des contrôles jumeaux dès qu’il s’agit de PME familiales, des SARL notamment. Dans plus d’un cas sur deux, la vérification de la comptabilité s’étend aux associés ou au propriétaire. Si les inspecteurs des impôts relèvent une incohérence entre la situation de l’entreprise et celle de son propriétaire (entre autres son compte bancaire ou son portefeuille de titres en Bourse par exemple), ils lui infligent des redressements. Beaucoup de personnes sont surprises de se voir réclamer de l’argent par le fisc après le rapprochement entre leurs biens et la situation de leur entreprise, confirme un fiscaliste.
Quels sont les indicateurs qui déclenchent l’activation de l’article 29? Une voiture de luxe, un cheval de race? Pas spécialement, assure le directeur général des impôts. Le Fisc se réjouit lorsque les gens achètent des voitures, des maisons et créent de la richesse, poursuit-il.
L’indicateur le plus important, c’est l’incohérence entre les dépenses du contribuable par rapport à sa déclaration d’impôt. «Lorsqu’une personne qui a une entreprise qui paie à peine la cotisation minimale, achète une villa ou un bateau de plaisance, le fisc est en droit de se poser des questions s’il ne dissimule pas d’autres sources de revenu», explique Noureddine Bensouda.
Ce qui est certain, c’est que ces contrôles jumeaux iront en se généralisant. La DGI justifie: «La maîtrise de l’information, c’est la base de la gestion. Nous allons à la recherche de l’information pour essayer de dégager le potentiel fiscal de la personne physique. Les conclusions nous permettent parfois de constater une incohérence entre les dépenses et la déclaration fiscale. Ce travail de lutte contre la fraude est réclamé par l’opinion publique et les opérateurs économiques.
Si elle n’en rêve pas, l’administration fiscale marocaine se dit intéressée par le type de fichier d’évadés fiscaux que détient son homologue français à Bercy et qui a fait couler beaucoup d’encre. «Nous recevons régulièrement des fichiers de la part des administrations étrangères que nous exploitons», confirme Noureddine Bensouda. Mais pas question cependant d’en faire un spectacle ou un usage politique. La seule règle de conduite dans cette administration est claire: le secret professionnel et la discrétion. «Le but n’est pas d’incriminer untel ou untel, mais de mobiliser les ressources», rappelle-t-il.
Dans l’offensive lancée contre l’évasion fiscale internationale, les échanges entre les administrations des impôts se sont accélérés. Et le Maroc ne doit pas être considéré comme un refuge fiscal, prévient la direction générale des impôts. Les étrangers qui croient échapper au fisc de leur pays en espérant trouver refuge au Maroc ont tout faux, tranche Bensouda.
Soumises à de fortes contraintes budgétaires, la France et l’Allemagne sont en première ligne dans cette chasse aux «évadés fiscaux». L’arme est la convention de non double imposition. Le Maroc en a signé avec ces deux pays. Ces accords prévoient l’échange d’informations et, pour certains, l’assistance au recouvrement. Le directeur général des impôts confirme qu’il y a eu des cas de flagrant délit sur lesquels le fisc marocain a réalisé un travail d’investigation pour le compte de ses homologues étrangers. Il s’agit de personnes qui, pour éviter l’impôt dans leur pays, viennent s’installer au Maroc. L’étau se resserre sur les «touristes» fiscaux.


992 entreprises contrôlées en 2009
Les vérifications fiscales -contrôle des comptabilités sur place- ont généré, en 2009, 4,369 milliards de dirhams. Au total, 992 entreprises (sur 118.000 immatriculées aux impôts) et contribuables ont été contrôlés par le corps de 265 vérificateurs. En moyenne, chaque vérificateur a traité 3,7 dossiers. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire dans la lutte contre la fraude car avoir 39,6% des entreprises structurellement déficitaires depuis au moins dix ans est «quelque chose d’anormal», concède le directeur général des impôts. Une situation qui crée de la concurrence déloyale à l’égard des entreprises transparentes.

A. S. 

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