Intimidations, pression, critiques, discriminations, humiliations, insultes, «mise au placard»… le harcèlement moral sévit de plus en plus et dans de nombreuses entreprises. Le sujet est tabou, on le savait, mais ce qui est inquiétant, c’est l’ampleur que prend ce phénomène et la banalisation qui l’accompagne. Le concept est totalement absent du nouveau Code du travail au Maroc. Et le débat le concernant est occulté, voire, tout simplement, annihilé. Parmi les raisons qui poussent les victimes à ne pas dénoncer le harcèlement il y a bien sûr la peur de perdre son emploi. Mais l’isolement des salariés empêche également toute solidarité entre les victimes, plongeant ainsi l’équipe tout entière dans un mutisme absolu. D’autant plus qu’au Maroc aucune étude sérieuse n’a encore été réalisée. Le harcèlement moral est une notion relativement neuve et encore assez méconnue. Et il n’en demeure pas moins une réalité sociale incontestable, dans le public comme dans le privé. Les psychologues du travail commencent à peine à prendre en considération une demande qui commence à devenir sérieusement récurrente. C’est ce que nous rapporte Souad et Ghita Filal, consultantes chez Delta Management. Souad Filal nous explique qu’en vingt ans d’activité, elle n’a jamais eu écho de cas de harcèlement moral au travail par les candidats qu’elle a eus à placer. Tout se passerait donc bien dans le meilleur des mondes? Pas vraiment, tempère Ghita Filal: «Même si le harcèlement moral n’est pas clairement cité par nos candidats, nous ressentons un profond malaise qui se lit à la fois sur le physique et le psychique de la personne». Et à la question de savoir pourquoi la personne décide de quitter son travail alors qu’a priori ses compétences ne sont pas remises en cause, le candidat avance les arguments classiques qui, nous le savons, cachent trop souvent les symptômes du harcèlement moral, rajoute Ghita Filal: «Ma hiérarchie n’a jamais montré le moindre geste de gratitude face à tous mes efforts fournis. En guise de reconnaissance, je n’ai eu droit qu’à des dénigrements, et autres critiques visant à m’humilier publiquement». Des propos qui en réalité sont l’expression par excellence des manifestations du harcèlement moral. Le plus grand tort pour la majorité de ces victimes? Leur ignorance ou méconnaissance du Code du travail: elles ne sont pas conscientes elles-mêmes que ce qu’elles sont en train de vivre donnent lieu à une protection au vu de l’article 40 du nouveau Code du travail. En effet, lorsqu’il est établi que l’employeur commet l’une de ses fautes (insulte grave, violence ou agression contre le salarié, harcèlement sexuel et incitation à la débauche), le fait pour le salarié de quitter son travail est assimilé à un «licenciement abusif». Avec tous les dommages et intérêts auquel cette forme de licenciement donne droit. Mais faut-il encore que le salarié réunisse les preuves (souvent invisibles) du harcèlement, ce qui est loin d’être évident. Autre point sur lequel insiste lourdement Ghita Filal, c’est la dénonciation de tels actes. «Le mutisme qui entoure le harcèlement doit cesser, et l’aspect tabou de la chose ne cessera que lorsque plusieurs victimes dénonceront les coupables auprès de la DRH». Briser le silence Peu importe l’issue, suite à cette dénonciation, mais le plus important, toujours selon Ghita Filal, c’est que les victimes parlent, et reparlent, en dénonçant la chose. «Cela ne peut que les aider à surmonter un traumatisme, qu’elles risquent de traîner comme un boulet si elles le gardent pour soi». Firas ADAWI ADLER |
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