Généreux délai de grâce accordé par le tribunal à une emprunteuse défaillante

Généreux délai de grâce accordé par le tribunal à une emprunteuse défaillante

Publié le : - Auteur : Medias24

Opérant dans le secteur de l’événementiel, secteur paralysé par les restrictions liées à la pandémie, une emprunteuse défaillante se voit accorder un généreux délai de grâce sur un crédit à la consommation. Les motivations du juge.

En ces temps moroses, les emprunteurs défaillants sont légion. Les affaires de délais de grâce, elles, se suivent mais ne se ressemblent pas. Ni dans les profils des demandeurs ni dans les solutions adoptées par les juges.

Le cas du jour : une consommatrice tenant un business de traiteur et d’organisation de cérémonies de mariage. Sujet aux restrictions liées à l’état d’urgence sanitaire, l’événementiel est l’un des secteurs les plus impactés par la crise Covid-19. L’entreprise de la demanderesse n’échappe pas à la conjoncture. Son activité à l’arrêt, elle voit ses revenus fondre jusqu’à devenir inexistants. Ce qui la pousse à arrêter le paiement des mensualités d’un crédit à la consommation souscrit auprès de CIH Bank.

Acculée et mise en demeure par sa banque, la traiteuse se tourne vers le président du tribunal de première instance de Khémisset. Sa requête est déposée le 1er octobre 2020. Son objectif: faire jouer l’article 149 de la loi sur la protection du consommateur (loi n° 31-08) et ainsi obtenir la suspension de ses obligations jusqu’à « rétablissement de sa situation matérielle et professionnelle ».

Le délai de grâce est envisageable notamment en cas de « licenciement », mais aussi, plus généralement lors de « situations sociales imprévisibles ». La qualité de salarié n’est pas une condition. Mais cet outil est réservé uniquement aux consommateurs. Pour en bénéficier, il faut établir, entre autres conditions, que le prêt a été souscrit pour des raisons personnelles ou familiales et non professionnelles. C’est le cas de la demanderesse qui invoque un délai de grâce sur le reliquat de son crédit, estimé à plus de 55.000 DH.

>> Lire aussi : Report des échéances des crédits : le délai de grâce, joker du consommateur

Qu’en dit le juge ? Les ordonnances donnant lieu au délai de grâce sont souvent concises, parfois lapidaires. Dans le cas d’espèce, le tribunal réserve deux pages aux attendus, dans ce qui ressemble à une plaidoirie au profit de la demanderesse.

Le juge présente le délai de grâce comme une « solution efficace pour faire face aux situations délicates en lien avec les prêts ». Le mécanisme vise à protéger « l’emprunteur consommateur de bonne foi ». Dans le cas d’espèce, l’assiduité plaide pour l’intéressée. Avant l’arrêt de son activité, « elle n’a jamais failli à ses obligations ». Le juge enfonce en invoquant l’esprit de la loi 31-08. Il s’agit de « restaurer les équilibres contractuels » entre la banque et l’emprunteur, ce dernier étant réputé partie faible au contrat.

Les conditions d’accès au délai de grâce sont citées à titre indicatif et non limitatif. Sont concernées toutes « les situations spéciales affectant l’emprunteur, qu’elles soient économiques, sociales ou administratives », explique le juge des référés, faisant une lecture extensive de l’article 149. Une interprétation qui n’est pas systématique chez les différentes juridictions marocaines.

Si elle a cessé le paiement des mensualités, c’est que la demanderesse a « été sujette à des circonstances sociales imprévisibles qui ont entrainé l’arrêt de son activité » et son incapacité à régler ses mensualités. En l’occurrence, le secteur d’activité où elle opère a été paralysé suite aux restrictions imposées par les autorités publiques. Pour le tribunal, la traiteuse est en ce sens parfaitement éligible à l’article 149.

Les effets de la pandémie sont toujours « d’actualité », et il n’existe aucun moyen d’en prévoir l’issue, tributaire de l’évolution que connaitra la situation épidémiologique. Conséquence, le juge se montre généreux sur le délai accordé à l’emprunteuse. La suspension, qui couvre aussi bien le capital que les intérêts légaux, sera applicable jusqu’à ce que les « causes de l’arrêt d’activité soient levées ». Un délai maximum de deux ans est néanmoins cité comme limite. Dès la levée de la suspension, aucun changement ne devra toucher les prélèvements qui auront lieu, comme le stipule le contrat de prêt initial.

Par : A.E.H

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