Fini les balcons transformés en pièces : l'Habitat s'attaque aux modifications illégales de façades

Fini les balcons transformés en pièces : l'Habitat s'attaque aux modifications illégales de façades

Publié le : - Auteur : La Vie Eco

C’est à une véritable tare défigurant les villes que le ministère de l’habitat s’apprête à s’attaquer. Le département de Toufiq Hejira examine les moyens de mettre en place un dispositif réglementaire pour lutter contre les «façades indignes» qui enlaidissent le paysage urbanistique de nos villes. Des balcons transformés en petites chambres ou fermés par des baies vitrées ; des groupes de climatisation ou des paraboles installés ici et là; des grilles fixées sur des fenêtres ; des pans de façades peintes de différentes couleurs … La liste des modifications est longue.
Dans peu de temps, toutes ces «infractions», parce que pour certaines il s’agit bien d’infractions, qui dénaturent le paysage extérieur des constructions ne seront plus tolérées. Le ministère travaille sur les dispositions juridiques à mettre en place pour y remédier. Selon Younès Kacimi, directeur de l’urbanisme au sein de ce département, «le dispositif sera conçu avec toutes les parties concernées par cette question dont le ministère de l’intérieur, les agences urbaines et les collectivités locales». Car il faut bien le comprendre, aussi parfaite que soit  la législation, la réussite de ce projet dépend grandement de l’implication des acteurs de proximité, les autorités et les dirigeants locaux, principalement au niveau du suivi et du contrôle…

Un cadre de référence pour les architectes

A ce jour chaque commune a, en principe, mis en place des dispositifs censées régir l’aspect individuel des constructions de manière à préserver l’homogénéité du paysage urbanistique collectif. Cependant, ils sont incomplets et très souvent non respectés. A peine quelques communes définissent par exemple le choix des couleurs des façades. Les chartes architecturales en cours d’élaboration, qui vont succéder aux cahiers des prescriptions urbanistiques, essayent de combler le vide dans ce domaine en définissant les caractéristiques urbanistiques à respecter de manière générale selon les spécificités de chaque ville: le patrimoine, l’histoire, les besoins d’extension … Elles fixent par exemple le gabarit autorisé des immeubles, la hauteur de la façade et des combles en fonction de la largeur de la rue ou du quartier, les couleurs, les toits… Bref, elles envisagent la ville dans son ensemble en définissant des règles différentes selon les zones considérées.
Ailleurs, en Europe par exemple, les communes interviennent à travers des réglementations strictes dans tous les aspects relatifs aux façades comme le choix des menuiseries extérieures (dans certaines collectivités locales en France), ou celui des auvents pare-soleil et de leurs couleurs (dans des communes en Espagne)… Des plans locaux d’urbanisme y sont strictement appliqués. Dans certaines communes de Paris, il est obligatoire de procéder au ravalement des façades au moins une fois tous les dix ans et tout propriétaire récalcitrant risque d’encourir une amende. Ici, ce genre de règles, même si elles paraissent faciles à appliquer, relève de la fiction. On n’a qu’à voir l’image désolante qu’offrent ces immeubles en plein centre de villes comme Casablanca ou Rabat. Sans parler de l’état (extérieur) déplorable des maisons dans les quartiers populaires, et ce constat est valable pour toutes les villes du pays. 

Le phénomène est plus frappant dans les habitations collectives

Pour le moment on n’en est pas là. Il s’agit juste de respecter ce qui a été fixé par le plan architectural et validé par la ville et la commune urbaine. Et les infractions en la matière sont légion. «Généralement, les promoteurs immobiliers veillent à respecter les formalités et les procédures d’instruction des dossiers au moment de la construction. Et ce n’est qu’après l’acquisition des permis d’habiter que les propriétaires procèdent à des changements au niveau des façades», souligne M. Kacimi. Le degré des infractions varie selon les transformations opérées. Au final, «on a des façades de maisons qui ne ressemblent en rien à ce qui est autorisé initialement», et ceci avec «la complicité ou du moins le laisser-aller des autorités locales censées veiller au respect de la réglementation», commente un architecte. Le phénomène est plus frappant dans les habitations collectives notamment dans les zones immeubles ainsi que dans les R+2 et l’habitat social. Il est moins visible dans les logements qui ont des zones de recul assez importantes comme les villas et les résidences collectives fermées où les syndics veillent au respect rigoureux des règles esthétiques des façades, explique, en substance, M. Kacimi.
Les concepteurs du nouveau projet aspirent ainsi «à faire évoluer ce dispositif de manière à y intégrer des dispositions applicables surtout au moment de l’occupation des logements». Au ministère de l’habitat, on est en train d’examiner les moyens de mettre en place un cadre soit juridique soit alternatif qui prône davantage l’aspect préventif pour changer d’abord la mentalité des citoyens. L’essentiel est d’aboutir à une cohérence architecturale dans notre paysage urbanistique. Et, pourquoi pas, de rêver de villes et surtout de quartiers esthétiquement présentables.
Hideuse nécessité :Le casse-tête des antennes paraboliques

Les antennes paraboliques sont devenues une véritable nuisance pour le paysage urbanistique marocain. En principe, il est interdit d’en installer sur la façade d’un immeuble car cela risque de modifier l’aspect extérieur du bâtiment et de constituer un danger en cas de chute sur la voie publique. Ce que la plupart des gens ignorent, c’est que la façade relève des parties indivises. Les autorités ont tenté de faire face à la propagation du phénomène. Mais, faute de volonté et de dispositif au niveau national, les rares tentatives que certains gouverneurs ont initiées pour réglementer la pose de paraboles ont échoué. Maintenant, c’est l’anarchie totale.
Hakim CHALLOT

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