Après un long mutisme autour de l’adaptation de la fiscalité à certains produits de financement participatifs, lancés depuis 2007 au Maroc, la loi des Finances 2016 a introduit des dispositions fiscales pour les produits de la Mourabaha[1] et de l’Ijara Mountahia Bi Tamlik[2], alors que celles relatives à d’autres produits aussi significatifs, à savoir la Moudaraba[3] et la Moucharaka[4], sont encore inexistantes.
Ces derniers produits étant plus risqués, ils ne seront probablement pas commercialisés lors de la première phase de lancement et certains opérateurs estiment que c’est la raison pour laquelle le vide juridique et fiscal les entoure toujours.
Hamid Khouloud, directeur du centre marocain de finance participative Quodwa, et président de la commission financement participatif et formation professionnelle à la CGEM Marrakech-Safi, nous explique que des produits comme la Mourabaha ou l’Ijara ne représentent pas de véritable risque pour les banques: « L’essence de la finance islamique, qu’on appelle tout d’abord participative, c’est ce partage des pertes et des profits, et donc du risque global. Or, pour la Mourabaha ou l’Ijara, il y a un risque certes mais il est minime, car ce ne sont que de simples opérations commerciales ».
En revanche, pour ce qui concerne la Moudaraba et la Moucharaka, le manque de visibilité fiscale fera certainement que les futures banques participatives ne s’aventureront pas dans leur commercialisation. Un bémol puisque c’est justement ce type de produits qui est destiné à l’entrepreneuriat et à l’investissement, alors que la Mourabaha ou l’Ijara sont plutôt apparentées à des crédits de consommation ou immobilier.
Le projet de loi de Finances 2017 n’introduit aucune disposition sur la Moudaraba ou la Moucharaka, et aucun amendement n’a été proposé dans ce sens.
Equité fiscale
La loi des Finances 2016 a introduit plusieurs dispositions fiscales relatives aux deux produits que les banques comptent lancer à la première phase de leur démarrage, à savoir la Mourabaha et l’Ijara Mountahia bi Tamlik.
Des dispositions qui ont instauré une véritable équité fiscale entre le financement participatif et le financement conventionnel, une équité dont l’absence a été à l’origine d’un renchérissement des prix des financements islamiques.
Par exemple, rien que pour la Mourabaha, il y avait le problème de la double imposition fiscale. En effet, pour qu’une banque achète un bien pour le revendre in fine à son client, il faut qu’elle paye des droits d’enregistrement à deux reprises, à l’achat et à la vente. Des charges supplémentaires supportés par le client.
Toujours pour la Mourabaha, les banques étaient imposées au taux de TVA lié aux opérations commerciales, soit 20%, alors que le taux d’imposition d’un prêt conventionnel n’est que de 10%.
Au niveau de l’Ijara Mountahia Bi Tamlik, la loi des Finances 2016 a introduit la déductibilité d’une partie des loyers, comparativement à la déductibilité des intérêts dans le cadre d’un prêt conventionnel.
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[1] La Mourabaha, dans son approche globale, est un contrat de vente au prix de revient majoré d’une marge bénéficiaire connue et convenue entre la banque et le client. En gros, la banque achète le bien choisi par le client et le lui revend, moyennant un paiement échelonné sur une période convenue entre les deux parties.
[2] L’Ijara Mountahia Bi Tamlik est une forme de financement que l’on peut apparenter à du crédit-bail. La banque acquiert des actifs désignés par le client, pour les mettre à la disposition de celui-ci, afin d’en retirer les fruits en contrepartie d’une rémunération sous forme de loyer à échéances convenues.
[3] La Moudaraba est un partenariat d’investissement où la banque joue le rôle de l’investisseur, en s’engageant à financer intégralement le projet. En contrepartie, l’entrepreneur doit assurer la gestion du projet.
[4] La Moucharaka est un contrat d’association entre deux parties ou plus, dans le capital d’une entreprise, un projet ou dans une opération. Les profits réalisés sont répartis selon une clé de répartition prédéterminée. Dans l’éventualité d’une perte, celle-ci est supportée par les parties au prorata du capital investi.
Par Sara El Hanafi
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