Selon le programme gouvernemental 2016-2021, approuvé par la Chambre des représentants, le gouvernement envisage de procéder à la «révision» de la loi 65-99, relative au code du travail. Quelques pistes de réflexion ont été identifiées pour une éventuelle réforme ou révision de cette loi, lors d’un colloque national sur le thème: «Le code du travail après dix ans de son entrée en vigueur, entre les exigences du développement économique et la garantie du travail décent».
Ledit colloque a été organisé les 22-23 septembre 2014 sous l’égide du département ministériel en charge de l’Emploi et l’Organisation internationale du travail. Nous essayons, pour notre part, de donner quelques éléments de réflexion et de discussion en la matière.
â– Règles du temps de travail, du lieu et du lien de subordination
Face à l’ampleur que peut avoir une telle transformation, l’examen des dispositions du code du travail, afférentes aux règles du temps de travail, du lieu de travail et du lien de subordination juridique des salariés à leurs employeurs, est jugé nécessaire.
Les deux exemples pratiques qui suivent illustrent bien les conséquences de cette transformation:
Premier exemple: les télétravailleurs comme salariés d’entreprise dont l’organisation leur permet de travailler soit à domicile ou hors domicile, soit nomade (train, café, etc.), exercent leur activité en dehors des locaux de leur employeur. Ces travailleurs disposent donc d’horaires de travail plus souples en gérant eux-mêmes l’organisation de leur temps de travail. De même, leur employeur, donneur d’ordre, ne peut exercer strictement son contrôle sur leur activité. Le lien de subordination juridique du salarié à son employeur, conçu comme un des éléments caractéristiques du contrat de travail, se trouve donc réduit en raison de l’éloignement des locaux de l’entreprise.
Deuxième exemple: le cadre dirigeant, salarié pas comme les autres salariés «exécutants», dispose d’un «pouvoir de décision au nom de l’entreprise et d’une indépendance dans l’organisation du temps de travail». A cet égard, le législateur n’a pas jugé utile, dans le code du travail actuel, de donner une définition précise du cadre dirigeant ni de prévoir son statut légal. Il semble avoir voulu laisser le soin aux parties de convenir d’un commun accord de leurs prérogatives contractuelles.
â– Le droit du travail et le DOC
Comme le droit des obligations et des contrats et le droit du travail étant liés, nous pensons qu’il est temps de procéder à une relecture de certaines dispositions du DOC, notamment les articles qui s’appliquent au contrat de travail.
â– Dialogue social et cadre juridique
Selon les recommandations de l’OIT, «tout Etat doit fournir un soutien au processus de dialogue en mettant à la disposition des parties un cadre juridique, institutionnel et autres qui leur permettent d’agir efficacement». La question du dialogue social et la manière de conduire la discussion entre l’Etat et les organisations représentatives des salariés et d’employeurs méritent donc de faire l’objet d’une plus grande attention. Il paraît utile d’instaurer un chapitre spécial, intitulé «Du dialogue social» au sein du code du travail.
â– Formation des jeunes par apprentissage et mesures d’encouragement
La loi n° 12-00 sur la formation par apprentissage, basée sur une formation pratique en entreprise, aurait dû figurer dans le code du travail actuel, notamment les clauses traitant de la relation entre l’apprenti et le chef d’entreprise (contrat d’apprentissage) et des mesures d’encouragement pour l’entreprise d’accueil. D’ailleurs, le code du travail en son article 23 se limite à la question de la formation continue qui s’adresse aux travailleurs déjà rentrés dans la vie active, à la différence de la formation par apprentissage qui est un mode de formation pratique en entreprise, réservé aux jeunes dans le cadre de leur scolarisation.
â– Note explicative (exposé des motifs) et la structure du code du travail
Notons que les projets de loi relatifs au code du travail sont en général précédés d’une note explicative qui constitue l’un des éléments des travaux préparatoires de cette loi. Le juge social se réfère souvent à cette note explicative «en cas de doute sur les intentions du législateur». Elle doit donc être rédigée de manière simple et détaillée et doit accompagner le projet de loi.
La structure de la partie législative du code du travail actuel manque de lisibilité. La nouvelle structure qu’il conviendrait d’élaborer, le cas échéant, doit être établie selon les règles de technique législative.
â– L’exercice des fonctions principales et les fonctions additionnelles confiées aux agents chargés de l’inspection du travail
Pour accroître l’efficacité des agents chargés de l’inspection du travail, une réforme en matière de compétences s’impose. Il faut rappeler que le Bureau international du travail fixe une norme «empirique» de dix mille salariés par agent de contrôle. Les fonctions additionnelles ne doivent pas faire obstacle à la mission de contrôle, mission principale de tout agent chargé de l’inspection du travail. Ainsi, les tentatives de conciliation en matière de conflits «individuels» du travail, confiées, entre autres, aux agents chargés de l’inspection du travail, doivent être exclues et laissées au seul juge social.
D’ailleurs, la conciliation entre l’employeur et le salarié, constatée par le juge social (articles 277 et suivants de la Procédure civile), soit par procès-verbal, soit par ordonnance, met fin au litige. Ce constat a force exécutoire et n’est susceptible d’aucun recours. Quant au procès-verbal établi par l’agent chargé de l’inspection du travail, lors d’une tentative de conciliation en matière de conflits «individuels» du travail, il ne tient lieu que de «quitus à concurrence des sommes qui y sont portées». Le système d’inspection du travail doit donc se limiter au contrôle de l’application de la législation du travail, de la conciliation en matière de conflits «collectifs» du travail et de conseils techniques aux employeurs et aux salariés sur les moyens efficaces conformément aux dispositions légales.
Les nouveaux métiers et le lien de subordination juridique
De nouveaux métiers apparaissent avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et l’émergence de l’entreprise réseau, qui n’ont pas manqué de changer la vie quotidienne au travail. Ainsi, la notion de lien de subordination juridique des salariés à leurs employeurs commence à perdre sa légitimité du critère distinctif du contrat de travail (le pouvoir de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner). Il faut souligner ici que le législateur marocain a bien su éviter la difficulté en optant pour la définition descriptive pour qualifier l’existence d’un contrat de travail (article 6 du code du travail).
Moulay Driss FOUZI
http://www.leconomiste.com/article/1012381-faut-il-reformer-ou-simplement-reviser-le-code-du-travail