A – Maitriser les missions des délégués du personnel
De prime abord il est nécessaire de préciser que les délégués du personnel sont une institution représentative du personnel composée de représentants élus par les salariés, chargés de défendre les intérêts de ces derniers vis à vis de l’employeur.
Les établissements assujettis : établissements employant habituellement 10 salariés permanents.
Toutefois pour les établissements employant moins de 10 personnes, il y a une possibilité d’adopter le système des délégués élus par voie d’accord écrit.
L’Article 432 précise que « Les délégués des salariés ont pour mission :
– de présenter à l’employeur toutes les réclamations individuelles qui n’auraient pas été directement satisfaites et qui sont relatives aux conditions de travail découlant de l’application de la législation du travail, du contrat de travail, de la convention collective de travail ou du règlement intérieur ;
– de saisir l’agent chargé de l’inspection du travail de ces réclamations, au cas où le désaccord subsiste »
Il ressort dudit article que normalement le délégué du personnel ne doit intervenir que si la réclamation individuelle préalablement faite auprès de l’employeur n’a pas eu la suite escomptée par le salarié.
Autres attributions
Il ressort du Code de Travail que le délégué du personnel doit être consulté par le chef d’entreprise dans les situations suivantes :
1/ la mise en place, le fonctionnement et la gestion du service de médecine de travail
2/ la récupération des heures perdues suites à un arrêt collectif de l’activité pour force majeure
3/ le dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires
4/ l’établissement du planning annuel des congés payés du personnel
5/ le recours aux salariés des entreprises de travail temporaire
6/ la répartition annuelle de la durée du travail
7/ les licenciements ou fermetures pour raisons économiques, technologiques, ou structurelles
8/ la réduction de la durée de travail pour crise économique passagère
9/ œuvrer dans le but d’éviter les licenciements et atténuer leurs effets négatifs
Il est important de souligner que les délégués du personnel sont membres du comité d’entreprise ainsi que le comité de sécurité et d’hygiène. Les délégués du personnel peuvent aussi à la demande des salariés qui le désirent les assister dans le cadre de la procédure d’écoute (article 62) ayant trait aux sanctions disciplinaires ou la procédure de licenciement.
De plus, et suivant l’article 138 du Code de Travail, le délégués du personnel doivent être consultés pour l’établissement du règlement intérieur par l’employeur.
B – Conditions d’élection des délégués du personnel
B-1 Conditions d’électeurs
En vertu de l’article 438 du code du travail, sont électeurs les salariés qui réunissent les conditions suivantes :
B-2 Conditions d’éligibilité
Sont éligibles, en vertu de l’article 439 du code du travail, les salariés qui réunissent les conditions suivantes :
B-3 Organisation des élections : Nombre de délégués.
Le nombre des délégués du personnel est fixé, par les dispositions de l’article 433 du code du travail, comme suit :
De 10 à 25 salariés | 1 délégué titulaire | 1 suppléant |
De 26 à 50 salariés | 2 délégués titulaires | 2 suppléants |
De 51 à 100 salariés | 3 délégués titulaires | 3 suppléants |
De 101 à 250 salariés | 5 délégués titulaires | 5 suppléants |
De 251 à 500 salariés | 7 délégués titulaires | 7 suppléants |
De 501 à 1000 salariés | 9 délégués titulaires
|
9 suppléants |
Au-delà, | 1 délégué titulaire et 1 suppléant par tranche supplémentaire de 500 salariés |
C – Protection des délégués du personnel
C-1 Principe de protection : Le code du travail a institué une procédure particulière à l’effet de protéger les délégués du personnel contre les agissements répressifs de l’employeur et de leur éviter de subir, dans leur situation personnelle de salariés, les conséquences des positions qu’ils prennent dans l’exercice de leurs fonctions représentatives.
C-2 Bénéficiaires : Sont bénéficiaires des mesures protectrices les délégués titulaires ou suppléants pendant l’exercice de leur fonctions représentatives, les anciens délégués pendant une durée de 6 mois à partir de l’expiration de leur mandat ainsi que les candidats aux fonctions de délégués du personnel, dès l’établissement des listes électorales et pendant une durée de 3 mois à compter de l’établissement desdites listes.
C-3 Mise en œuvre de la protection
Mesures disciplinaires : En vertu de l’article 457 du code du travail, toutes mesures disciplinaires ayant pour effet le changement de service ou d’atelier ou de tache ou pour infliger une mise à pied ou de licenciement, à l’encontre du délégué ou du suppléant ne peuvent être envisagées qu’après accord de l’agent chargé de l’inspection du travail.
C-4 Licenciement :
La procédure protectrice s’impose à l’employeur pour tout licenciement
La faute grave du salarié ou suppléant n’exonère pas l’employeur du respect des dispositions spéciales prévues par l’article 457 du code. Elle lui permet seulement de prononcer la mise à pied immédiate en attendant la décision de l’agent chargé de l’inspection du travail.
Celui-ci doit faire connaitre sa décision dans les 8 jours suivant sa saisine, conformément aux dispositions de l’article 459 du code du travail
C-5 Modification du contrat de travail
Aucune modification de son contrat ou de ses conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé.
En cas de refus d’une telle modification, l’employeur doit, soit réintégrer le salarié protégé dans ses conditions antérieures de travail, soit engager la procédure spéciale auprès de l’agent chargé de l’inspection du travail.
Il ressort de ce qui précède que le délégué du personnel bénéficie d’une procédure spéciale dans le cas d’un licenciement ou d’une quelconque mesure disciplinaire que l’employeur envisage de prendre à son égard.
L’article 459 du Code de Travail ne fait pas référence à l’article 62 et suivant, qui prévoient une procédure spéciale de licenciement pour faute grave d’un salarié, à savoir la séance d’écoute du salarié en présence d’un délégué du personnel de son choix, les délais à respecter et les autres formalités et procédures à suivre.
Il s’agit donc d’une procédure spéciale, qui permet à l’employeur ayant constaté une faute grave de procéder immédiatement à la mise à pied du salarié délégué du personnel sous réserve de saisir et sans délai l’inspecteur du travail de la sanction disciplinaire à prendre.
Il ressort clairement donc que l’employeur doit se concerter au préalable avec l’inspecteur du travail sur l’opportunité de la décision à prendre.
L’inspecteur du travail est tenu de répondre dans un délai de 8 jours à partir de sa saisine par l’employeur :
1 – soit par un refus qu’il doit motiver
2 – soit en confirmant la décision de licenciement, et dans ce cas l’employeur est tenu de notifierimmédiatement ladite décision (cette notification peut se faire en mains propres conte reçu, ou par lettre recommandée avec accusé de réception, ou avec le concours d’un huissier de justice).
Il est clair que cette procédure spéciale permet à l’inspecteur du travail de s’entretenir avec le délégué du personnel pour connaitre sa version des faits, et que tout licenciement qui pourrait être prononcé sans respect de cette procédure serait considéré comme étant abusif.
Toutefois, il ne faut pas omettre d’observer les dispositions de l’article 65 du Code du travail qui oblige l’employeur d’informer le salarié de la possibilité qu’il a de contester la décision de licenciement dans un délai de 90 Jours sous peine de déchéance.
D- Les moyens d’action des délégués du personnel
Les délégués du personnel ont pour mission de présenter au chef d’entreprise toutes les réclamations individuelles ou collectives qui n’auraient pas été directement satisfaites et qui sont relatives aux conditions du travail, ils pourront saisir de ces réclamations, au cas où le désaccord subsisterait, l’inspection du travail.
Les délégués du personnel ne constituent pas un organe collégial, l’exercice de leurs attributions à un caractère purement individuel, aucune disposition légale ne met l’accent sur l’expression d’une volonté collective.
Le mandat du délégué ne l’autorise en aucun cas de négocier en désavantageant des salariés au détriment d’autres salariés.
La grève , si elle suspend le contrat du travail, elle ne suspend pas le mandat du délégué du personnel, puisque son mandat lui donne le droit de continuer les négociations avec l’ employeur, en utilisant pour cela son crédit d’heures , comme précisé ci-dessous au 1er paragraphe, le délégué pendant la grève a le droit de se rendre auprès des salariés qui assurent une permanence durant la période de grève, et de pénétrer dans l’ établissement fermé pour motif de grève.
Par ailleurs, il est nécessaire de savoir que le salarié n’a la possibilité de recourir au délégué du personnel que si sa réclamation auprès de son employeur est restée sans succès. L’employeur est en droit d’opposer une fin de non-recevoir à toutes les réclamations qui pourraient lui être soumises pour la première fois par un délégué du personnel.
Le délégué désigné doit obligatoirement aviser l’employeur du contenu de la réclamation, et il n’a pas le droit d’apprécier le bien-fondé de celle-ci. Afin de mieux vous éclairer sur les moyens d’actions dévolus aux délégués du personnel, nous vous communiquons ci-après une synthèse globale sur lesdits moyens.
D-1-Moyens d’actions
D-1-1-Temps libre : Le chef d’établissement est tenu de laisser aux délégués du personnel dans les limites d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder 15 heures par mois et par délégué, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions, ce temps leur est payé comme temps de travail.
D-1-2- Crédit d’heures : En vertu de l’article 456 du code du travail, tout délégué du personnel bénéficie d’un contingent fixe, mensuel et personnel de 15 heures.
Ce crédit est personnel, il doit être utilisé par chaque délégué selon un rythme mensuel conformément aux missions dévolues, même en dehors de ses heures de travail.
Les heures de délégations constituent un véritable salaire et non une indemnité compensatrice de salaires perdus.
D-1-3- Déplacement et réunions : Il est admis que les délégués peuvent, tant durant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés, Dans ce cas, le délégué utilise, pour ce déplacement son crédit d’heures.
D-1-4- Déplacement hors de l’entreprise : Le code est muet à ce sujet, mais il est admis généralement que le délégué du personnel peut se déplacer hors de l’entreprise en utilisant les heures de délégation, pour les besoins de ses fonctions.
D-1-5- Local : Aux termes de l’article 455 du code, le chef d’établissement est tenu de mettre à la disposition des délégués du personnel le local nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission et notamment de se réunir.
Cette prescription est d’ordre public, le chef d’entreprise ne peut être dispensé de cette obligation.
Le choix du local appartient au chef d’entreprise, mais celui-ci ne peut imposer aux délégués le réfectoire par exemple.
Cependant, les délégués n’ont pas nécessairement l’usage exclusif du local.
La loi ne précise pas que le local doit être aménagé ou que l’employeur doit offrir le matériel nécessaire à l’exercice des fonctions des délégués, mais il n’est pas exclu dans la pratique que le local soit aménagé par l’employeur.
D-1-6- Collecte des informations : La faculté de se déplacer dans l’entreprise et de prendre contact avec les salariés offre aux délégués la possibilité de s’informer sur la nature des réclamations éventuelles.
D’ailleurs, il est fréquent que dans certains établissements soient installées des « boites à lettres », qui permettent aux salariés de déposer directement leurs réclamations.
D-1-7- Affichage ou diffusion de l’information : Les délégués du personnel peuvent afficherles renseignements qu’ils ont pour rôle de porter la connaissance du personnel, sur les emplacements mis à leur disposition aux portes d’entrée du lieu de travail, par le chef d’établissement, ils peuvent également, en accord avec celui-ci user de tous autres moyens d’information.
Seuls les renseignements d’ordre professionnel se rattachant aux attributions légales des délégués peuvent faire l’objet d’un affichage, cela vise les comptes-rendus des réunions avec l’employeur, l’objet et les résultats des démarches à l’extérieur, les informations générales relatives à l’application du code du travail. Sont exclues les communications à caractère politique, syndical ou diffamatoire.
D-1-8- Tracts : Les délégués peuvent informer les salariés en distribuant les tracts dont le contenu entre bien dans le cadre de leurs fonctions. Cela exclut la distribution de tracts syndicaux, ou le fait de recueillir des signatures pour une pétition en tant que membres d’un syndicat.
D-1-9- Réunions : Les délégués peuvent se réunir librement entre eux, mais ils ne peuvent organiser des réunions avec le personnel qu’avec l’accord de l’employeur. Ainsi, un déléguén’est pas autorisé à prendre la parole dans une entreprise durant la pause.
Les délégués du personnel ont un droit de surveillance sur l’ensemble des normes applicables dans l’entreprise, ce qui fait d’eux, dans une certaine mesure, des auxiliaires de l’administration.
D-1-9-1 Réunions mensuelles
Selon l’article 460 du code du travail, les délégués du personnel sont reçus collectivement par le chef d’établissement ou son représentant au moins une fois par mois. Cette réunion a un caractère obligatoire, et sa méconnaissance par l’employeur constitue le délit d’entrave.
La réunion mensuelle a un caractère collectif, tous les délégués doivent être convoqués, sans faire de distinction entre ceux qui seraient concernés par la question débattue et les autres.
D-1-9-2 Réunions exceptionnelles
Les délégués sont reçus par l’employeur, en cas d’urgence sur leur demande.
En dehors de la réunion mensuelle, les délégués du personnel peuvent demander à être reçus en cas d’urgence, l’employeur est alors tenu de les recevoir sans délai. L’urgence peut avoir pour effet de dispenser les délégués de présenter leurs réclamations par écrit.
Plusieurs situations sont susceptibles de caractériser l’urgence, conflit collectif imminent ou en cours, détérioration des conditions d’hygiène ou de sécurité laissant craindre un accident
L’article 460 du code du travail, en mentionnant « les délégués du personnel sont reçus collectivement », n’empêche pas l’employeur de recevoir les délégués, en réunion exceptionnelle, individuellement ou par catégorie, atelier, service ou spécialité professionnelle.
D-1-9-3 Modalités de contact
Note écrite : Sauf circonstances exceptionnelles, les délégués du personnel remettent au chef d’établissement 2 jours avant la date à laquelle ils doivent être reçus, une note écrite exposant sommairement l’objet de leur demande.
Aucune forme particulière n’est requise pour la présentation de cette note.
Le délai de deux jours doit permettre à l’employeur d’examiner les questions qui seront abordées au cours de la réunion.
Le délai de deux jours est un délai maximum, le chef d’entreprise ne saurait imposer une procédure plus longue, par contre, il peut y renoncer et recevoir immédiatement les délégués
D-1-9-4 Registre
Les demandes des délégués comme les réponses de l’employeur qui doivent intervenir dans un délai de 6 jours, sont transcrites sur un registre spécial, tenu à la disposition des salariés, un jour parquinzaine en dehors des heures de travail, il est tenu en permanence à la disposition de l’agent chargé de l’inspection (article 461)
D-1-9-5 Déroulement des réunions
Le déroulement des réunions est laissé à l’initiative des parties, la note écrite fournie par les déléguéssert d’ordre du jour.
Lorsque l’employeur impose aux délégués un minutage excessif empêchant l’épuisement d’ordre du jour dans des conditions normales, il porte atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions.
Les réunions des délégués ne donnent pas nécessairement lieu à l’établissement d’un procès-verbal auquel se substitue en fait le registre.
Il est important de noter que d’après les dispositions de l’article 462 du Code de Travail, sont punis d’une amende de 2000 Dhs à 5000 Dhs pour le refus de recevoir les délégués des salariés dans les conditions fixées par les articles 460 à 461.
De plus cet article précise que sont punis d’une amende de 10.000 dhs à 20.000 Dhs :
– le défaut de tenue du registre spécial dans les conditions prévues par l’article 461 ou la non communication de ce registre tel que prescrit par ledit article –
D-2 Durée des fonctions et cessation anticipée
D-2 -1 Durée des fonctions
Les délégués du personnel sont élus pour une durée fixée par voie réglementaire, ils sont rééligibles, l’arrivée du terme conduit à une cessation automatique du mandat.
Si les élections ne sont pas organisées dans le délai voulu, on saurait admettre la prolongation du mandat des délégués. Par ailleurs, le mandat des délégués est renouvelable.
D-2 -2 Cessation anticipée
Les fonctions des délégués prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail.
Lorsqu’un délégué titulaire cesse d’exercer ses fonctions pour une des raisons mentionnées à l’article 435, son remplacement est assuré par un membre suppléant de a même catégorie professionnelle et appartenant à la même liste électorale qui devient alors titulaire jusqu’à l’expiration du mandat de celui qu’il remplace.
Le mandat d’un délégué des salariés peut prendre fin. Par le retrait de confiance une seule fois après l’écoulement de la moitié du mandat par décision prise par les deux tiers des salariés électeurs. , dont la signature est légalisée.
D-2 -13 Suspension du mandat
Aucune disposition n’est prévue par le code en cas de suspension du contrat de travail du délégué.
Il est également admis que la maladie n’interdit pas à un salarié d’être apte à exercer ses fonctions électives.