Pour faire face à la dissimulation des prix des transactions immobilières (noir), l’administration fiscale s’est rappelée soudainement de l’existence. Ce droit lui permet de se substituer à l’acheteur lorsqu’elle estime que le montant déclaré dans le contrat de vente est inférieur à la valeur vénale du bien. «L’Etat fait valoir ce droit sur un bon nombre d’opérations depuis l’année dernière», affirme Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). «Le droit de préemption n’a pas été activé de manière à inquiéter la dissimulation des prix de vente (le noir). Pour atteindre l’objectif souhaité, il faut que l’administration préempte réellement le bien et le mette aux enchères publiques», souligne Amin Fayçal Benjelloun, président de la Chambre nationale du notariat moderne au Maroc (CNNMM). Pour l’instant le fisc se contente d’informer les parties de son intention de se porter acquéreur du bien pour les inciter à aller vers le prix «réel». «L’objectif n’est pas que l’administration se transforme en promoteur, mais de réguler le marché, éviter les spéculations et de défendre les intérêts du Trésor», souligne Benjelloun. Invité au Club de L’Economiste, le directeur général des impôts, Nourredine Bensouda, avait précisé que son administration n’avait nullement l’intention de faire de la promotion immobilière. Le droit de préemption tel qu’il est envisagé actuellement peut créer des insécurités juridiques dans la mesure où il n’est pratiqué qu’après la signature de l’acte.
Après la conclusion de la transaction, (l’administration dispose d’un délai de six mois pour l’exercer). Ce qui peut léser l’acheteur car il ne pourra récupérer que le montant déclaré dans le contrat de vente. «Il y a un procédé beaucoup plus intéressant que le droit de préemption. Il s’agit du droit de préemption urbain (DPU) pratiqué en France», observe Benjelloun. Il oblige le vendeur à faire une déclaration d’intention d’aliéner précisant le prix de cette aliénation. La déclaration est ensuite envoyée à un établissement public. Cette démarche est considérée juridiquement comme une offre de vente. Et pour éviter que l’administration ne préempte le bien, le vendeur est obligé de déclarer le prix réel. Cette procédure qui remonte aux années 70 a permis de réguler et d’assainir le marché.
Procédure
Du fait de l’existence du droit de préemption urbain (DPU), la commune peut se substituer à l’acquéreur avant l’établissement de l’acte de vente. Le notaire chargé de dresser l’acte est tenu de purger le droit de préemption urbain.
La déclaration d’aliéner contient les informations essentielles afférentes à la vente projeté ; il en est ainsi du prix et de la référence cadastrale du bien et sa contenance. Elle est envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception à la commune. Cette dernière à un délai de deux mois pour prendre position. Pendant ce délai, la vente ne peut être conclue sans risquer une action en nullité qui se prescrit au bout de cinq ans. La commune doit indiquer expressément si elle entend préempter ou non. Si aucune position n’a été prise dans le délai (deux mois), cela constitue une renonciation au droit de préemption. A noter que toute modification ultérieure des conditions de la vente implique le renouvellement de la démarche auprès de la commune.
«Le secteur subit une pression importante»
· «La fiscalité locale alourdit les charges»
Après la crise due à la raréfaction du foncier il y deux ans, le secteur de l’immobilier commence à retrouver ses souffles notamment suites aux dernières conventions signées avec l’Etat dans ce sens. Or l’année 2009 risque de réserver des obstacles à sa croissance. Entretien avec Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers
– L’Economiste: Quelle analyse faites-vous du secteur en 2009?
– Youssef Ibn Mansour: Cette année sera particulière du fait de la dégradation de l’environnement économique en général. Les conséquences de la crise économique sur certaines activités aura sans doute des incidences sur le secteur de l’immobilier. A ce niveau il faudra distinguer deux segments. Le premier, qui est relatif au logement social et au moyen standing, va se comporter normalement. Grâce aux conventions signées avec l’Etat, la problématique du foncier ne se posera pas. Par contre les produits destinés à la résidence secondaire qui visent surtout la clientèle étrangère, connaîtront des difficultés. Mais ce dernier segment ne représente pas un pourcentage important de ce qui se vend au Maroc.
– Le logement à 140.000 dirhams a été mal accueillis par les promoteurs qui estiment qu’il ne rapporte pas assez (17 à 20% de marge).
– Ce programme a été lancé au début de l’année dernière. Entre-temps, il y a eu des problèmes d’augmentation des prix des matériaux de construction et de l’accentuation de la raréfaction du foncier. Ces deux éléments ont fait que la valeur immobilière totale qui a été retenue n’était plus en phase avec la réalité économique. Maintenant, la possibilité de l’intégrer dans une approche de péréquation permettrait aux opérateurs de réaliser du logement à faible VIT et de réaliser d’autres produits destinés à d’autres catégories de clientèle à des prix différents.
– Le fisc a estimé que la contribution fiscale des opérateurs ne correspondait pas à la performance du secteur. Qu’en dites vous?
– Après l’analyse des recettes fiscales, le directeur général des impôts avait annoncé que la participation du secteur n’était pas à l’image de sa dynamique. C’est une analyse qui peut faire objet de discussion. Nous pensons qu’en dehors du logement social qui est exonéré à travers les conventions avec l’Etat, le reste du secteur contribue suffisamment au même titre que les autres sachant que notre activité subit une pression importante. La TVA par exemple, qui est à 20%, se répercute sur le prix final.
La fiscalité locale vient alourdir davantage la pression sur les opérateurs immobiliers. C’est le cas de l’impôt sur les terrains. Ces derniers représentent pour les promoteurs une matière première et sur lesquels ils paient des taxes alors que les industriels n’en paient pas à ce niveau.
Propos recueillis par Jalal BAAZI