Créances: Du sur-mesure pour les débiteurs de mauvaise foi!

Créances: Du sur-mesure pour les débiteurs de mauvaise foi!

Publié le : - Auteur : L'économiste

Durant cette période de crise, les entreprises seront nombreuses à faire face à de sérieuses difficultés financières. Les délais de paiement, déjà très allongés, pourraient s’aggraver encore plus. Pareil pour les impayés. Les créanciers risquent d’être dans une très mauvaise posture. Comment se prémunir contre les débiteurs qui s’évanouiraient dans la nature? La situation est pour le moins problématique.

S’exprimant lors d’une récente e-conférence de l’Association pour le progrès des dirigeants (APD), Bassamat Fassi Fihri, fondatrice du cabinet Bassamat & Laraqui, a proposé la mise en place d’un système d’alertes, à l’instar du modèle de certains pays européens.

«En Belgique, quand une entreprise ne s’acquitte pas de ses charges sociales, ne dépose pas ses états de synthèse, ne fait pas preuve de régularité fiscale… Des alertes sont envoyées au tribunal de commerce. Un système d’information donne la possibilité à n’importe qui de vérifier si le débiteur est dans une procédure judiciaire collective, d’accéder à son bilan économique et social…», illustre l’avocate.

Le dispositif permet aussi au tribunal de convoquer le chef d’entreprise, non pas pour le sanctionner, mais pour comprendre ses difficultés et lui proposer un accompagnement adapté à sa situation. «C’est ainsi que nous pourrons assainir le tissu économique en amont, car c’est ce dont nous avons besoin au Maroc», poursuit l’avocate.

Des juges commissaires et des syndics non formés

De leur côté, les entreprises en proie à des difficultés financières, sans toutefois être en cessation de paiement, peuvent profiter de plusieurs mesures de soutien au niveau du tribunal de commerce. Elles peuvent bénéficier d’un mandataire spécial ou d’un conciliateur pour les aider à obtenir des délais de paiement supplémentaires, ou à négocier avec leurs fournisseurs ou salariés.

En cas de difficultés totalement insurmontables, l’entreprise peut demander à être placée sous la protection du tribunal dans le cadre d’une procédure de sauvegarde (entrée en vigueur en avril 2018), durant laquelle toutes les poursuites judiciaires des créanciers sont suspendues.

Si le plan de sauvegarde n’est pas respecté, il ne reste que deux options: le redressement judiciaire ou la liquidation. «Il s’agit d’une innovation majeure, mais qui a été adoptée à la va-vite, afin de monter dans le classement Doing business. Cette procédure est aujourd’hui considérée par de nombreux praticiens comme un véritable échec», souligne Fassi Fihri.

Les juges commissaires ne disposent d’aucune formation spécifique en matière de restructuration d’entreprises. Pareil pour les syndics, un maillon important de la procédure de sauvegarde, qui en plus représentent les intérêts «antinomiques» des débiteurs et des créanciers. Le texte relatif aux syndics se fait, d’ailleurs, toujours attendre (profil, formation, honoraires…).

Un effet boule de neige

Le syndic a pour rôle d’établir un rapport sur la santé économique de l’entreprise en difficulté et de valider le plan de sauvegarde. Il dispose d’un délai de 4 mois pour livrer son rapport. Cependant, dans la pratique, il peut aller à 24 mois, selon Fassi Fihri.

«Imaginons que l’entreprise obtienne un plan de sauvegarde de 5 ans. Si au bout de la troisième année elle ne paie plus ses créanciers, elle peut décrocher un plan de continuation sur 10 ans, en plus d’un an de différé. En fin de compte, la procédure s’étalera sur 14 ans durant lesquels les créanciers seront peu ou pas du tout payés. Si à la fin l’entreprise débitrice ne paie plus, elle passe en liquidation judiciaire», relève Bassamat Fassi Fihri.

«Elle aura mis en difficulté ses créanciers qui à leur tour ne paieront pas les leurs, créant ainsi un effet boule de neige», ajoute-t-elle. Censée permettre aux structures de dépasser leurs difficultés, de continuer leur activité, préserver leurs emplois…, la procédure de sauvegarde ne rend finalement service à personne, selon l’experte.

L’avocate suggère la mise en place de comités de soutien composés d’experts de la restructuration d’entreprises dans les tribunaux, en partenariat avec le patronat. «Pour moi, ces procédures de traitement sont extrêmement adaptées aux débiteurs de mauvaise foi souhaitant échapper au paiement de leurs dettes. Par ailleurs, les sociétés y rentrent généralement avec un rhume pour en sortir dans un coma profond», déplore l’avocate. Une révision urgente du code de commerce s’impose.

Par : Ahlam NAZIH

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