Contentieux fiscal : Tour de vis sur l'expertise judiciaire

Contentieux fiscal : Tour de vis sur l'expertise judiciaire

Publié le : - Auteur : L'Economiste

Contrairement à une rumeur qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans le petit monde du conseil, le contribuable reste maître du choix de la personne qui l’assiste en cas de contentieux avec le Fisc devant les commissions de recours. «Pour le contribuable, l’assistance par un conseil devant les instances de recours fiscal est un acquis de la réforme», rassure un spécialiste. Toute personne physique ou morale, garde l’entière liberté d’opter pour un conseil ou un mandataire de son choix pour l’assister. Cet accompagnement est une activité développée par de nombreux praticiens de diverses origines: conseils juridiques, comptables, comptables agréés, experts-comptables, etc.
En revanche, l’introduction de deux petites dispositions dans la loi de Finances 2009 modifiant l’article 242 du Code général des impôts et qui verrouillent l’expertise judiciaire en matière fiscale a mis le petit monde du conseil en ébullition. C’est la Fédération marocaine des associations des professionnels de la comptabilité (Femaproc) qui est montée en premier au créneau.
Que disent exactement les nouvelles dispositions? Lorsqu’un contentieux fiscal arrive devant le tribunal, le juge ne peut nommer en qualité d’experts que les personnes inscrites au tableau de l’Ordre des experts-comptables ou sur la liste de comptables agréés. Il y a quelques semaines à Casablanca, devant une assemblée d’experts-comptables, le directeur général des impôts, Noureddine Bensouda, justifiait cette mesure: «il est temps que la matière comptable et fiscale soit traitée par des experts». Ces dispositions s’appliquent aux recours introduits devant les tribunaux à compter du 1er janvier 2009.
La restriction sur les affaires transmises au juge disqualifie d’emblée des centaines de praticiens de la comptabilité pour qui l’expertise judiciaire représentait une source d’activité (et de revenu). Dans le milieu des spécialistes, si l’on ne conteste pas la nécessité d’assainir l’expertise judiciaire, on critique en revanche les méthodes du Fisc qui est derrière ce tour de vis. Il est vrai que ce dernier a souvent été irrité de perdre des «grosses » affaires devant le tribunal, le juge s’alignant sur les conclusions de l’expert. La critique porte sur la limitation des professionnels habilités à réaliser l’expertise : si les experts-comptables et les comptables agréés sont compétents en matière comptable et fiscale, qu’adviendra-t-il lorsqu’on sera en face d’un problème d’évaluation immobilière, s’interroge un praticien. Qui peut mieux évaluer un bien immobilier en dehors d’un expert immobilier ? Très rapidement, prédit-il, l’on se rendra compte du caractère ubuesque de cette disposition.
La deuxième grosse critique se concentre sur l’institution d’une garantie (voir encadré) exigée dorénavant du contribuable en attendant l’issue du contentieux porté devant le tribunal. Comme pour le reste, cette mesure ne concerne que les affaires transmises à partir du 1er janvier 2009. Mais la pilule ne passe pas. Par le passé, le juge, se fondant sur la situation économique du contribuable et du caractère recevable de la requête, pouvait prononcer un sursis de paiement de rappels d’impôts exigés par le Fisc en attendant que le verdict ne tombe. Avec le changement des dispositions du Code général des impôts par la loi de Finances, cette souplesse passe à la trappe.


Dans le Code général des impôts
– Garanties en matière de recouvrement: Nonobstant toutes dispositions contraires, le tribunal ne peut surseoir au recouvrement des impôts, droits et taxes exigibles, suite à un contrôle fiscal, que si le contribuable constitue des garanties suffisantes, conformément aux dispositions de l’article 118 de la loi n°15-97 formant code de recouvrement des créances publiques.
A titre d’exemple, ces garanties peuvent être constituées sous forme de consignation à un compte du Trésor, effets publics ou autres valeurs mobilières, caution bancaire, nantissement de fonds de commerce, affectation hypothèse, etc.
– Nomination et domaine de compétence de l’expert: Les nouvelles dispositions prévoient que l’expert nommé par le juge doit être inscrit au tableau de l’ordre des experts-comptables ou sur la liste des comptables agréés.
Ne doit pas fonder ses conclusions sur des moyens ou documents qui n’ont pas été soumis à la partie à laquelle ils sont opposés durant la procédure contradictoire.
Ne doit pas se prononcer sur des questions de droit autres que celles relatives à la conformité à la législation qui les régit, des documents et pièces qui lui sont présentés.

Abashi SHAMAMBA

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