Construction: Une législation à dépoussiérer

Construction: Une législation à dépoussiérer

Publié le : - Auteur : L'Economiste

Depuis 1985, survient en moyenne un effondrement tous les 15 mois. «Ce chiffre n’englobe que les bâtiments nouveaux ou en construction», explique Abdelmajid Choukaili, expert en construction. Cela dénote un certain laisser-aller de la part des différents intervenants dans l’acte de bâtir. Cet acte met à contribution un nombre important d’intervenants, depuis l’architecte jusqu’au fournisseur des matériaux de construction. En outre, pendant les vingt-cinq dernières années, de nouveaux intervenants sont apparus dans le bâtiment, notamment les fournisseurs du béton prêt à l’emploi, les fournisseurs de produits semi-finis, les coordinateurs d’étude et de travaux et les promoteurs. «Cette pléthore d’acteurs rend difficile en cas de sinistre de déterminer les responsabilités», explique Abdeslam Chikri, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Habitat.
Le texte sur la responsabilité des constructeurs (Article 769 du dahir des obligations et des contrats) ne traite que de deux intervenants responsables: l’architecte ou l’ingénieur et l’entrepreneur. «Ces dispositions qui datent de 1913, modifiées en 1959, sont obsolètes», souligne Choukaili.
A cette époque, la notion de bureau d’étude ou d’ingénieur consultant n’existait pas. Le bureau de contrôle lui aussi n’est évoqué dans aucun texte. «Cette situation est inconcevable. Dans les projets où il intervient, c’est le bureau de contrôle qui fait modifier les plans des bureaux d’étude, accepte ou rejette les solutions techniques… sans que sa responsabilité soit engagée!», s’étonne Choukaili.
A l’exclusion du rôle de l’architecte, un flou total caractérise les missions des autres intervenants dans l’acte de bâtir. «Cette situation est propice à des actions imposées, plus par les rapports de force que par une rationalité d’intervention», ajoute Choukaili.
A titre d’exemple, il est arrivé que certains bureaux de contrôle, et laboratoires, ont été instrumentalisés dans une opposition d’intérêts entre l’entrepreneur et le promoteur, parfois entre le bureau d’études techniques et l’architecte. «Ces cas demeurent d’une portée limitée par rapport à la cacophonie entraînée par la création de plusieurs laboratoires et l’autoproclamation en tant que bureau de contrôle de plusieurs entités», déplore Choukaili. Ainsi, les empiètements sur les tâches réciproques du bureau d’études techniques, du bureau de contrôle, du laboratoire et du bureau de coordination ne sont pas rares.
Ces problèmes seront débattus dans le cadre d’une journée organisée par l’Association des ingénieurs de l’école Mohammadia le 13 juin sous le thème «La responsabilité dans l’acte de bâtir».


Pour éviter le drame de Kénitra

L’effondrement de l’immeuble de Kénitra, janvier dernier, qui a causé 18 morts et 26 blessés est resté dans les annales de la profession. Pour éviter de tels drames, les experts appellent à une implication de l’entrepreneur dans la conception des ouvrages, sur la base des études de l’architecte et du bureau d’études techniques, de façon à ce que l’acte de bâtir soit réellement collectif. Par ailleurs, la législation sur les responsabilités doit être revue afin de combler les lacunes et intégrer la majorité des intervenants ignorés dans l’acte de bâtir. Cette législation ne touche qu’à la stabilité de l’ouvrage après son achèvement, alors que tous les accidents ont eu lieu pendant la phase de construction.

Saad Souleymane BOUHMADI

Source : http://www.leconomiste.com/ du 13 juin 2008

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