Derrière son ronronnement, un lobbying sournois qui a réussi à engendrer un texte juridiquement castré… Depuis juin 2000, date à laquelle la loi 06-99 relative à la liberté des prix et à la concurrence a été promulguée, le Conseil de la concurrence ronfle. Une décennie plus tard, le discours royal du 20 août 2008 la réanime momentanément. En effet, dès le 25 décembre de la même année, Abdelali Benamour a été nommé président. Le débat qui se profile cette fois-ci sera juridique mais avec un arrière-fond et des enjeux politiques: réaménager la loi tout en rectifiant le rôle et le pouvoir de chacun.
C’est certainement par l’article 14 de la loi 06-99 qu’il va falloir commencer. Un Conseil de la concurrence «aux attributions consultatives». Même lorsqu’il est saisi pour un avis par le gouvernement, commissions parlementaires, syndicats…, ces derniers ne sont pas tenus de s’y conformer. Le Conseil n’a donc ni pouvoir décisionnel ni pouvoir de sanction (voir p. 6). Pourquoi avoir écarté cette option? «Il y a dix ans, je n’étais pas acteur de l’histoire. Peut-être que l’on sortait d’une période difficile avec le monde économique, suite à la campagne d’assainissement…», commente le président de l’instance. Si la saisine est ouverte pour toutes les questions touchant la concurrence, ses avis restent finalement facultatifs.
«L’autorité décisionnelle du Conseil est une fatalité. Mais l’on ne pouvait faire l’économie d’une phase de transition», estime Rachid Baina, membre du Conseil de la concurrence. Le comble pour une instance dite de «régulation» est qu’elle ne peut s’auto-saisir. Une prérogative accordée en revanche à sa cousine, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca). S’il n’est pas saisi, comment le Conseil pourra-t-il réagir face à des pratiques anticoncurrentielles? D’après l’article 26, le Conseil peut, dans certains cas, recommander au Premier ministre de saisir la justice. Mais que faire si celui-ci ne donne pas de suite à ses recommandations?
Quant à la composition du Conseil, c’est une autre paire de manches. Six membres sur 12 viennent de l’administration. Il serait plus judicieux d’impliquer également la société civile, et plus particulièrement les associations de consommation. Un choix qui a été adopté pour la récente Instance de prévention de la corruption et qui compte parmi ses membres le représentant de Transparency Maroc.
Atténuer la représentativité de l’administration est un gage supplémentaire d’indépendance, notamment vis-à-vis du pouvoir exécutif. La Primature pourra continuer à nommer le président du Conseil de la concurrence (article 19). Et c’est elle qui par ailleurs alimente son budget, 15 millions de DH actuellement.
Renforcer le pouvoir d’investigation des rapporteurs s’impose. Quel recours ont-ils si l’une des parties refuse de communiquer des informations? A part les auditions, sur ce point la loi 06-99 est muette. Il faut recourir plutôt aux dispositions générales du droit commun. Ce qui risque à la fois d’alourdir la procédure et indirectement permettre à la partie suspecte de faire disparaître les preuves.
Au-delà de ses préoccupations juridiques, l’amendement d’une loi implique une volonté politique. Ni hésitation gouvernementale, ni ajournement législatif.
Faiçal FAQUIHI