Au-delà des avancées consacrées par les textes juridiques, c’est au niveau de la pratique que se mesure l’effectivité des droits. C’est dans cette logique que s’inscrit l’étude réalisée par l’Association démocratique des femmes du Maroc, portant sur l’application du code de la famille par les magistrats de la Cour de cassation, présentée hier à Rabat.
Il en ressort que les affaires liées à la Moudawana représentent une faible part dans l’ensemble des dossiers traités par la plus haute juridiction. Cela est dû notamment à «l’absence de la possibilité de pourvoi en appel dans plusieurs affaires, liées notamment au mariage des mineures, à l’autorisation de polygamie…», selon Atika Ellouaziri, avocate et militante associative, ayant piloté l’élaboration de cette étude.
Ce document a également déploré l’absence d’une publication régulière et globale des décisions de la Cour de cassation, permettant de constituer jurisprudence. Les associations des droits des femmes ont insisté sur «la terminologie utilisée dans la rédaction des décisions émises par la Chambre du droit de la famille, qui reste marqué par le traditionalisme, s’inspirant d’écoles théologiques».
Résultat: «Les dispositions du code de la famille ne sont pas appliquées, globalement, dans une logique d’équité, de modernité et d’efficacité».
D’autant que la plupart des interprétations de ces dispositions «restent des lectures étroites et rétrogrades», est-il noté. Pour les rédacteurs de cette étude, cela traduit les insuffisances de la Moudawana, notamment la persistance de certaines lacunes, favorisant ce genre d’interprétations, empêchant une application équitable de ce code.
L’examen des décisions de la Cour de cassation dans le domaine du droit de la famille, en comparaison avec les autres tribunaux, notamment de 1re instance et d’appel, a également permis de dégager «un tiraillement entre deux générations de magistrats».
D’un côté, ceux disposant d’une longue carrière, ayant pratiqué l’ancien code du statut personnel et appartenant à une école traditionaliste, attachée au référentiel de la charia. De l’autre, ceux, plus jeunes, plus enclins à une interprétation plus moderne du code de la famille, prenant en compte le référentiel universel des droits humains.
Aujourd’hui, «l’implication de ces magistrats conscients de l’importance de la culture des droits de l’homme est décisive pour favoriser une application positive du code de la famille, en phase avec les objectifs du législateur, prenant en compte les transformations au sein de la société». Cela devra s’accompagner d’une refonte globale du code, permettant de combler les différentes lacunes et remédier aux défaillances identifiées, est-il recommandé.
Par : Mohamed Ali Mrabi
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