COLÈRE et insatisfaction chez les présidents d’arrondissements. L’argent que leur «distribue» la mairie en dotations en est la cause. «Pouvons-nous fournir des prestations de proximité avec des miettes?», s’accordent à dire les patrons des seize arrondissements. A vrai dire, le président du Conseil de la ville n’a pas été généreux avec ces communes de deuxième degré. Dans l’ensemble, ces dernières recevront un peu plus de 90 millions de DH au titre de l’année 2010. En moyenne, chaque arrondissement aura quelque 5 millions de DH.
«Nous avons jugé nécessaire de faire passer le point relatif aux subventions des arrondissements dans la session de juillet. De cette façon, ils auront leur budget à temps car il faudrait aussi compter avec les procédures d’approbation de la tutelle», indique Mohamed Sajid, maire de Casablanca. Et d’ajouter, «une circulaire est en cours d’élaboration au ministère de l’Intérieur». Il s’agit d’une circulaire tant attendue depuis la première expérience de l’unicité de la ville en 2003. Elle doit préciser un article de la charte communale qui détermine les critères d’octroi des dotations sans en fixer le contenu. La charte communale dispose que la dotation de l’arrondissement comprend deux parts. «La première part forfaitaire, qui ne peut-être inférieure à 40% du montant de la dotation globale affectée aux arrondissements, est déterminée proportionnellement au nombre d’habitants de l’arrondissement». Une seconde part est attribuée en fonction des dépenses de fonctionnement à la charge de l’arrondissement qui sont, elles-mêmes, en fonction des équipements dont il assume l’entretien et des prestations qu’il doit fournir aux populations. Les élus, qui sont tous issus des arrondissements qu’ils représentent d’ailleurs au niveau du Conseil de la ville, accusent l’Intérieur «de ne pas prendre les choses au sérieux». En effet, la loi (charte communale) met à la charge du Premier ministre d’expliciter les critères d’octroi des dotations: «Un décret fixera les modalités d’application du présent article», précise l’article 12 de la charte communale. Et depuis la réforme de cette dernière en octobre 2002, rien n’est fait. Pendant 7 ans, l’attribution des dotations se fait au gré des «caprices» des maires des villes. A Casablanca, les choses sont encore plus compliquées au vu de l’étendue de la ville et du nombre de ses arrondissements.
Lors de la dernière session, le Parti de l’Istiqlal s’était retiré. «Nous ne voulons pas participer à une session qui veut voter la répartition des dotations en l’absence de dispositions juridiques claires», note un élu istiqlalien. Les deux critères d’octroi de ces dotations souffrent d’anomalies. D’abord, le critère du nombre d’habitants est dépassé, car il prend en considération un recensement lui-même dépassé par l’accroissement du nombre d’habitants dans chaque arrondissement et surtout parce que les gens changent leur lieu de résidence. Le schéma directeur (SDAU) l’a montré: le centre-ville se vide au profit de sa périphérie.
Ensuite, le patrimoine de la ville n’est pas connu et encore moins celui de chaque arrondissement. Les responsables de la ville annoncent, à chaque fois qu’il est question du sujet du patrimoine, que l’inventaire des biens de la ville est en cours. Mais aucun résultat n’a été rendu officiel. Le maire ne cache toutefois pas que l’opération est délicate. Il faut que les biens passent de la propriété des ex-communes à celle de la ville de Casablanca. Un processus lent et complexe. «Il faut que la ville débloque des millions de DH pour pouvoir mettre les titres fonciers en son nom au lieu des noms des ex-communes», explique un fonctionnaire de la ville. «Nous négocions avec les diverses administrations centrales pour que le transfert de propriété se fasse en tenant compte de l’intérêt de la ville et de ses capacités financières. Mais elles campent toujours sur leur position».
Autre chose qui complique le recensement du patrimoine: le nombre de procès et de litiges portant sur les biens immeubles de la ville qui sont actuellement devant les tribunaux. Certains procès remontent à des dizaines d’années, sous le régime des ex-communes, et la ville doit répondre de leur mauvaise gestion. Dans d’autres, la ville a été condamnée sans pour étant pouvoir débourser les millions de DH aux ayants droit. En un mot, la ville ne connaît pas encore tout son patrimoine et n’en est pas encore propriétaire. «Le ministère de l’Intérieur doit prendre ses responsabilités. Nous sommes portés à douter de sa bonne volonté qui laisse les mairies, sur ce point, naviguer à vue», souligne un élu.
La proposition du PJD
LE PJD propose d’augmenter les dotations de 6 arrondissements de 20%. «Nous protestons contre le ministère de tutelle qui traîne à faire sortir la circulaire fixant toutes les modalités d’octroi des dotations et nous suggérons d’élever de 20% les subventions des six arrondissements dont le territoire a été étendu suite au dernier découpage communal», insiste Abdessamade Hiker. Ces arrondissements sont: Sidi Othmane, Sbata, Moulay Rachid, Sidi Moumen, Aïn Chock et Hay Hassani. Il est clair que le fait de prendre des douars entiers, comme El Hraouiyine, El Mkanssa, Teklya, et de les intégrer à ces arrondissements rendra les charges et dépenses de ces derniers plus lourdes. Les 20% de hausse ont été proposés rien que pour faire face aux services administratifs comme la légalisation, l’état civil… qui induisent plus de frais de fonctionnement. Le maire a opposé son véto. Et le grand malheur c’est que les douars en question ne disposent ni de l’éclairage public, ni de services de collecte des ordures. Les délégataires refusent en effet de couvrir ces territoires car ils ne sont pas compris dans leurs conventions.
Ali JAFRY