Les pertes d’emplois à cause du Coronavirus et des décisions administratives prises pour le contrer relèvent-elles du cas de force majeure ? Les juges marocains seront éventuellement amenés à trancher sur la question. Les jurisprudences marocaine et française pourraient les inspirer.
Depuis le début de la pandémie du Coronavirus, les emplois perdus s’accumulent et les interrogations aussi. Les employeurs et employés, dans le brouillard, ne savent plus quels sont leurs droits et obligations, ni comment qualifier ces circonstances exceptionnelles.
S’agit-il de la force majeure ? C’est la question que Médias24 a posée à plusieurs experts en matière de droit social et qui a été longuement évoquée dans nos articles.
Des juristes nous ont signalé l’existence de décisions sur lesquelles il serait intéressant de se pencher. Bien qu’elles portent sur des affaires différentes, leurs conclusions pourraient inspirer les juridictions marocaines qui seront potentiellement amenées à trancher dans des litiges relevant du droit social et liés au Coronavirus.
La première, rendue par une juridiction marocaine en mars 2018, correspond à une situation similaire à celle que nous vivons aujourd’hui. Cela dit, elle ne relève pas d’une menace d’épidémie.
La seconde est plus récente, elle date du 12 mars 2020. C’est une décision provenant d’une juridiction française qui évoque directement les circonstances exceptionnelles du virus COVID-19.
En 2015, une entreprise a décidé d’arrêter la production de sacs en plastique, conformément à la loi 77/15 interdisant une telle activité. Conséquence, les employés ont été mis à la porte. Une décision que la justice marocaine a qualifiée de « fait du prince ».
Le fait du prince est un cas de force majeure, tel que défini à l’article 269 du Dahir des obligations et des contrats.
Dans le cas d’espèce, la décision de l’entreprise ne relève pas de sa volonté. Bien au contraire, c’est une intervention tierce, provenant de l’administration, qui s’impose tant aux employés qu’à l’employeuse.
Les salariés ayant perdu leurs emplois suite à cette décision n’ont pas eu droit à des indemnités.
En effet, la Cour de cassation, dans son arrêt du 27 mars 2018, précise que la demande d’indemnités pour dommages causés aux salariés est infondée.
Plus récemment, dans une ordonnance en date du 12 mars 2020, rendue par la 6ème chambre de la Cour d’appel de Colmar, en France, les circonstances exceptionnelles dues au Coronavirus sont considérées comme cas de force majeure en raison de leurs caractéristiques « extérieures, imprévisibles et irrésistibles« .
L’affaire en question ne porte pas sur un licenciement ou une perte d’emploi. Il s’agit plutôt de statuer sur la recevabilité de la requête d’une préfète, relative à la rétention administrative d’un individu. Ce dernier n’a pas pu « être conduit à l’audience de la Cour d’appel en raison des circonstances exceptionnelles et insurmontables, revêtant le caractère de la force majeure, liées à l’épidémie en cours du COVID-19 ».
Le fait que la justice française considère la situation exceptionnelle due au Coronavirus comme un cas de force majeure, ne signifie pas que les juridictions marocaines devront automatiquement lui emboîter le pas.
C’est au juge marocain que revient l’appréciation au cas par cas. Toutefois, cette jurisprudence peut constituer une source d’inspiration et de réflexion.