Le ministère de la Justice planche actuellement sur la révision de la carte judiciaire.
Un projet de taille et… sensible. Car cela implique des dossiers sous-jacents comme le redéploiement du personnel ou la proximité géographique des juridictions. Ce dernier élément est capital. «Zaouiat Cheikh, Bouguemaz ou encore Azilal, par exemple, sont assez loin de leur cour d’appel administrative située à Rabat. Il faut faire jusqu’à 400 km pour y parvenir. De plus, les distances géographiques font souvent obstacle à l’exécution des jugements», explique Me Mustapha Ghafir.
Abdelwahed Radi, ministre de la Justice, tout en restant prudent, rassure. Pour le moment, «seuls les centres des juges résidents sont concernés», précise-t-il à L’Economiste. Le Royaume en compte actuellement 180 exactement. Ce sont toutes des juridictions de 1er degré.
A en croire des sources au ministère de tutelle, le projet de la révision de la carte judiciaire n’a pas encore été ficelé. Toujours est-il qu’il fait partie, avec l’informatisation des juridictions et la formation, des grands chantiers 2008-2012 auxquels le ministre socialiste compte s’attaquer. Il en a d’ailleurs déjà exposé les grandes lignes lors d’un précédent conseil de gouvernement. Lorsqu’on sonde les avocats sur la révision de la carte judiciaire, la plupart d’entre eux insistent sur l’informatisation des procédures. «Les nouvelles technologies rétrécissent les distances», commente Me M’hamed Segam. Reste à savoir pourquoi les centres des juges résidents sont les principaux concernés par ce projet? C’est à cause du nombre réduit des litiges qui leurs sont soumis. Et qui se traduirait par «un niveau de rendement assez bas d’après les statistiques de notre département», souligne Radi. Cette faible productivité contraste avec l’engorgement que connaissent la plupart des juridictions marocaines. Un tribunal traite en moyenne près de 10.000 dossiers par an. Les 30 millions de justiciables disposent en tout et pour tout de 3.322 magistrats. Ils sont une douzaine par instance. Avec 800 affaires par mois, ils n’ont que 7 minutes à consacrer à chaque dossier. Inutile d’évoquer l’impératif de la spécialisation des juges (www.leconomiste.com).
Pour l’instant, plusieurs scénarii sont explorés pour boucler le projet de la révision de la carte judiciaire. «Va-t-on la remodeler selon un découpage administratif, régional ou selon le nombre des dossiers traités? Des pistes qui sont en cours d’étude par nos départements», affirme Najib Khadi, chef du cabinet du ministre de la Justice.
En tout cas, le ministère de la Justice veut serrer la ceinture: «La révision de la carte judiciaire va dans le sens d’une rationalisation des frais de fonctionnement», est-il-souligné. Lorsqu’on jette un coup d’oeil sur la loi de Finances 2008, on s’aperçoit que les dépenses de fonctionnement totalisent près de 2,5 milliards de DH. Les salaires du personnel, à eux seuls, absorbent 85% du budget. Le reste est destiné au matériel et aux dépenses diverses. «La réflexion menée sur la réduction du nombre des tribunaux n’entraînera pas l’annulation de la construction programmée de 22 tribunaux, dont 4 cours d’appel et 18 tribunaux de première instance», déclarait la semaine dernière le ministre de la Justice devant les députés.
Durant la séance de question-réponse, Radi n’est pas entré dans les détails. Les parlementaires vont plutôt les discuter au sein de la commission justice et législation, présidée par Lahbib Choubani. L’un des 46 députés du Parti de la justice et développement (PJD). Le président de leur groupe parlementaire, Me Mustapha Ramid, prévoit d’ailleurs de «déposer incessamment une demande dans ce sens», avait-il déclaré à L’Economiste.
A elle seule, la construction de nouvelles juridictions coûtera 1,2 milliard de DH et s’étalera jusqu’à 2010. «Pour l’année en cours, nous ne disposons que de 250 millions», avait précisé Radi lors de son passage au Club de L’Economiste. Parviendra-t-il à mobiliser le reste durant les quatre prochaines années? Une question pressante, vu l’ampleur des réformes en souffrance. En tous cas, pour les dépenses d’investissement, la loi de Finances 2008 a mobilisé un peu plus de 514 millions de DH dans le budget général de l’Etat. Un montant qu’il va falloir répartir minutieusement entre construction, informatisation, formation…
Faiçal FAQUIHI
Source : http://www.leconomiste.com du 28 Mai 2008