Votée en 2007, la loi contre le blanchiment d’argent se met en place à petit pas. Cependant plusieurs difficultés juridiques et pratiques subsistent. C’est, en substance, ce qui ressort de la conférence organisée par le cabinet Lefèvre Pelletier & Associés en partenariat avec la banque centrale sur ce thème.
«Nous constatons qu’il y a des contraintes de transposition de certaines normes pénales internationales dans les lois nationales», affirme Az El Arab Kettani Idrissi, membre du département des affaires juridiques de BAM. Le caractère détaillé des exigences internationales suppose un degré de technicité élevé ce qui rend leur transcription difficile. Kettani note, également, une incompatibilité entre les règles édictées par les lois anti-blanchiment et celles classiques du droit pénal. Autres contraintes, les contours imprécis de certaines définitions prévues dans les normes internationales, notamment sur les notions de soupçon et de risque. Pour faire la lumière sur ces difficultés, la banque centrale a tenu diverses réunions de travail avec les différents acteurs et initiée une campagne de sensibilisation. L’administration, les magistrats et les services de police appelés à veiller à l’application de la loi. Ils doivent privilégier la procédure d’architecture opérationnelle, outre la mise en place des outils informatiques pour parvenir au filtrage des transactions. D’où, la décision d’opérationnaliser ce projet de formation. Un projet qui s’étale sur une période de 3 ans et concerne toutes les personnes concernées par la lutte anti-blanchiment.
Les règles édictées par les lois anti-blanchiment représentent un défi pour leur mise en œuvre eu égard les contraintes d’interprétation. Par ailleurs, l’éventail de la cible concernée par ce dispositif est très large, puisqu’il concerne tous les corps de métiers de l’économie allant des pouvoirs publics au secteur privé. Ce qui ne manque pas d’impacter l’efficience du système répressif quant à la définition de l’infraction de blanchiment (extensive/restrictive), par rapport aux infractions sous-jacentes.
D’autres difficultés pratiques subsistent, notamment en matière de vigilance. «Même si c’est l’un des points forts de cette loi». Ainsi, le périmètre et l’étendue de l’obligation d’investigation de la personne assujettie ne précisent pas si le manquement à l’obligation de vigilance implique une sanction. Le dispositif témoigne, aussi, de la difficulté de distinction entre notions proches: «opération suspecte, complexe ou inhabituelle». Le texte de loi, par ailleurs, induit des pré-requis quant à l’adoption et la mise en œuvre d’une approche basée sur les risques. «Il faut faire un profilage des risques», suggère Kettani.
Renseignement financier
Pour accompagner ce dispositif, l’unité de traitement du renseignement financier (UTRF) a été créée. Elle a pour missions de recueillir, traiter et diffuser les renseignements financiers. L’UTRF doit, également, assurer la coordination des moyens d’action des services d’enquête et d’investigation des administrations, établissements publics et autres personnes morales de droit public. Elle est, en outre, chargée de donner son avis sur le contenu des mesures de prévention du blanchiment de capitaux et de faire des propositions au gouvernement. D’ailleurs, Hassan Alaoui Abdellaoui, son président fraîchement installé, réunit les différents acteurs pour une première rencontre mardi 23 juin.
M. A. B.