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Domiciliation d’entreprises: Le no man’s land juridique

Domiciliation d’entreprises: Le no man’s land juridique

La loi sur la domiciliation d’entreprises, publiée au Bulletin officiel (n°6745 du 21 janvier 2019), pose plus de problèmes qu’elle n’en règle. Plusieurs opérateurs se plaignent des difficultés rencontrées pour enregistrer auprès de certaines directions régionales des Impôts les créations d’entreprises parce qu’elles sont domiciliées.
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Selon l’article 4, la loi sur la domiciliation d’entreprises n’est applicable qu’un an après la publication de l’ensemble de ses textes d’application

La loi sur la domiciliation d’entreprises, publiée au Bulletin officiel (n°6745 du 21 janvier 2019), pose plus de problèmes qu’elle n’en règle. Plusieurs opérateurs se plaignent des difficultés rencontrées pour enregistrer auprès de certaines directions régionales des Impôts les créations d’entreprises parce qu’elles sont domiciliées.

A l’origine de ces tracasseries, le fait que certains domiciliataires comptent de nombreux clients ayant mis la clé sous le paillasson, laissant derrière eux des impayés d’impôts, de frais de domiciliation… Ces créances sont parfois des petites sommes, mais avec le volume, le montant atteint parfois plusieurs millions de dirhams par opérateur. Ce qui repose encore une fois la question de la solidarité fiscale.

«Sur les 600 sociétés domiciliées dans notre structure, 400 ont disparu et ne donnent plus signe de vie malgré mes nombreuses relances. Les services des impôts nous réclament 3 millions de DH de créances fiscales. Pourtant, comme le prévoit la loi, nous avons bien transmis au fisc la liste des sociétés domiciliées chez nous. Par conséquent, nous ne sommes pas responsables», affirme une domiciliataire.

Le même listing doit être transmis à la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et, le cas échéant, à la douane. L’interprétation de cette disposition diverge entre professionnels. S’agit-il seulement de la liste des sociétés domiciliées et en règle ou de toutes les structures ayant leur adresse chez une société de domiciliation, y compris celles dont les dirigeants ont disparu? Faut-il communiquer uniquement la liste des structures domiciliées au cours de l’exercice écoulé ou de l’ensemble des sociétés, sachant que l’administration peut en éditer le listing via le numéro de la taxe professionnelle du domiciliataire?

Pour sécuriser le paiement des créances fiscales, la loi a introduit une disposition obligeant les domiciliataires à aviser l’administration fiscale, la TGR et la douane dans un délai de 15 jours dès que les entités domiciliées n’ont pas récupéré un courrier recommandé des services fiscaux.

Dans la majorité des cas, les structures domiciliées ont disparu avec la publication de la loi. Celle-ci n’a pas prévu de dispositions particulières pour le traitement du passif. Par conséquent, de nombreux domiciliataires comptent des centaines d’entreprises fantômes. Personne ne sait comment sera réglée cette question.

Selon un opérateur, «il s’agit en général de sociétés ayant fait faillite ou réalisé les transactions pour lesquelles elles avaient été créées avant d’être sabordées».

Certains secrétariats-greffes refusent également toute modification sociétaire (amendement des statuts, augmentation de capital, changement de dirigeant, d’objet de la société, augmentation de capital…) concernant les sociétés domiciliées tant qu’elles n’ont pas leur propre siège.

La situation devient problématique surtout pour les entités dont les activités sont soumises à autorisation et qui doivent d’abord achever la construction ou l’aménagement de leur local. Dans cette attente, ces structures restent pénalisées par leur statut de sociétés domiciliées.

Les domiciliataires interrogés exigent l’uniformisation et l’affichage des conditions pour accomplir les démarches administratives, qui restent parfois à la discrétion des fonctionnaires. En plus du décret sur le modèle de contrat, le législateur devra encore publier un texte sur le modèle de la déclaration d’exercice de l’activité. Ce n’est qu’après que les opérateurs disposeront d’un délai d’un an pour se mettre en conformité.

                                                                                    

Pas de limitation dans la durée

Outre la solidarité fiscale entre domicilié et domiciliataire, la loi devait également trancher la question de la durée de domiciliation. L’article 544-2  parle d’une «durée déterminée, renouvelable selon un modèle fixé par voie réglementaire». Or, le décret sur les modalités du contrat n’a toujours pas été publié.

En attendant, la durée de la domiciliation est appréhendée différemment par les secrétariats-greffes du registre de commerce. Certains s’appuient sur une vieille circulaire du ministère de la Justice qui fixait la durée de la domiciliation à six mois.

Ainsi, à Marrakech, le tribunal exige de la société domiciliée un contrat limité à 3 mois renouvelable une fois, assorti d’un engagement de louer un siège en propre au-delà de cette période. A défaut, le secrétariat-greffe du registre de commerce refuse de délivrer le «modèle J» de l’entreprise. Cela dissuade les entreprises de sortir de Casablanca, par exemple, où la procédure est plus souple.

Le modèle J constitue une véritable carte d’identité commerciale de l’entreprise commerciale. Il renseigne sur sa forme juridique, son capital, son adresse, son inscription au registre commercial… Il permet aux tiers de sauvegarder leurs intérêts en se renseignant sur la situation juridique et financière d’une société ou d’une personne physique avant la réalisation d’une transaction commerciale. Là encore, certains secrétariats-greffes du registre de commerce refusent de délivrer le «modèle J» concernant les entités domiciliées sous prétexte qu’elles devraient être transférées vers un siège permanent.

Par Hassan EL ARIF

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Crowdfunding: le projet de loi adopté par la Chambre des représentants

La Chambre des représentants a adopté en plénière et à l’unanimité, mardi 11 février, le projet de loi n°15-18 relatif au financement collaboratif. Le but est de définir le cadre juridique de l’exercice par les Sociétés de financement collaboratif (SFC) et des différentes formes de financement collaboratif.

Le financement collaboratif, connu à l’international sous le nom du « Crowdfunding », est un mode de financement de projets par le public. Il permet de collecter des fonds, généralement de faible montant, auprès d’un large public, principalement en vue de financer l’entreprenariat des jeunes et l’innovation.

Ce nouveau mode de financement opère à travers des plateformes internet permettant la mise en relation directe et transparente entre les porteurs de projets et les contributeurs. Ces activités prennent trois formes de financement à savoir: le prêt, l’investissement en capital et le don.

Adopté en Conseil de gouvernement en août 2019, le projet de loi relatif au financement collaboratif a pour objet de définir le cadre juridique de l’exercice par les Sociétés de financement collaboratif (SFC) et des différentes formes de financement collaboratif. A cet effet, il établit un dispositif complet de régulation de ces activités comprenant notamment:

– La création du statut de gestionnaire de plateformes de financement collaboratif (PFC);

– La définition du dispositif d’agrément des SFC et de supervision des activités de financement collaboratif;

– La définition des procédures et des modalités de création et de fonctionnement des PFC;

– La définition des engagements et des obligations de la SFC notamment, en matière d’information du public, de publicité et de reporting;

– La définition des règles à respecter en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts et de protection des contributeurs;

– L’établissement de plafonds en terme de montants à lever par projet et par contributeurs pour les différentes formes de financement;

– La définition de règles spécifiques à chacune des trois formes de financement collaboratif.

Ainsi, la mise en place d’un cadre juridique à travers la loi n°15-18 devra contribuer à la mobilisation de nouvelles sources de financement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises et des jeunes porteurs de projets innovants. Il devra également permettre la participation active des financeurs potentiels aux projets de développement du pays via un mécanisme de financement simple, sécurisé et transparent. C’est aussi un moyen de libérer le potentiel créatif et culturel des jeunes et de renforcer l’attractivité et le rayonnement de la place financière du pays.

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Mohamed Benabdelkader : La gouvernance est primordiale pour la réforme du système judiciaire

Tenue à Rabat d’un colloque sur “L’administration judiciaire et les règles de bonne gouvernance”

La gouvernance judiciaire revêt une importance primordiale dans le chantier de la réforme globale et approfondie du système judiciaire, a souligné, vendredi à Rabat, le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader.
Intervenant à l’ouverture du colloque sur «L’administration judiciaire et les règles de bonne gouvernance», organisé à l’initiative de l’Amicale Hassania des magistrats, en collaboration avec le ministère de la Justice, il a affirmé que la gouvernance judiciaire ne peut être atteinte que par une mise en oeuvre totale des dispositions constitutionnelles pertinentes, y compris celles relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire, au rapprochement de la justice aux justiciables et au respect de leurs droits, ainsi que par la promotion de l’efficacité de la gestion administrative et financière de l’administration judiciaire.
Mohamed Benabdelkader a relevé que plusieurs institutions concernées par le pouvoir judiciaire sont impliquées dans la gestion du système judiciaire, notamment le ministère public, dans un cadre régi par l’esprit de coopération, d’équilibre et de coordination, notant que l’un des principes fondamentaux de la gouvernance judiciaire, selon les instances internationales n’est autre que «la participation et la collaboration», basé sur la coopération, la coordination et la complémentarité des efforts entre tous les acteurs impliqués dans la gestion du système judiciaire.
Le ministre a indiqué, à cet égard, que le principe de collaboration encadre la relation entre l’autorité en charge de la justice et le pouvoir judiciaire, ajoutant que grâce à cet esprit, un ensemble de réalisations, dont le Royaume est fier, ont pu être accomplies.
Il a soulevé que si l’organe commun entre le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le ministère de la Justice est considéré comme un mécanisme institutionnel incarnant une approche participative entre les autorités impliquées dans la gestion du système judiciaire, il serait judicieux de réfléchir à d’autres mécanismes de coordination et de coopération de manière à servir davantage la justice et les justiciables.
De son côté, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et premier président de la Cour de cassation, Mustapha Fares, a souligné que la gouvernance judiciaire revêt une importance stratégique dans les projets du CSPJ, compte tenu de son rôle dans le renforcement de l’administration judiciaire et la mise en place d’un service public conforme aux normes en vigueur, aux niveaux national et international.
Evoquant le rôle de la formation comme levier essentiel pour mettre à profit les acquis cumulés par l’expérience judiciaire marocaine, avec toutes ses charges morales et éthiques, il a souligné que «le grand défi à relever aujourd’hui est de fournir les mécanismes appropriés pour incarner cette gouvernance, et assurer les conditions pour créer un modèle marocain distinct qui puise dans les expériences humaines internationales, tout en tenant compte des particularités de notre héritage éthique, de nos attributs authentiques et des accumulations juridiques et réformatrices que le Royaume a connues ces dernières années».
Il a souligné qu’en 2019, une grande importance a été accordée à la question de la gouvernance, en organisant une session de formation pour les fonctionnaires de la justice dans le domaine du développement des compétences et du développement des capacités de gestion judiciaire, ajoutant que plusieurs magistrats ont bénéficié de sessions de formation dans certains pays leaders dans le domaine des services judiciaires électroniques.
Par ailleurs, Mustapha Fares a souligné le lancement officiel du jumelage entre le CSPJ et le Conseil supérieur de la justice belge, dans le cadre du programme européen d’appui au secteur de la justice au Maroc, avec comme but de développer les pratiques du CSPJ, en particulier dans le domaine du renforcement des capacités, de la formation, de l’indépendance financière, de la communication et de la sensibilisation.
Il a, par ailleurs, souligné que «nous sommes, actuellement, face à une réelle opportunité de mobilisation, afin d’établir les principes de gouvernance et de reconsidérer l’organisation des structures judiciaires et de moderniser leur gestion».

Vers l’élaboration d’une vision intégrée du système de formation

Le ministère de la Justice se penche sur l’élaboration d’une vision nouvelle et intégrée du système de formation dans le domaine de la justice, a indiqué, vendredi à Tétouan, le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader.
S’exprimant à l’ouverture de la conférence du stage au titre de l’année 2020 organisée par l’Ordre des avocats de Tétouan, sous le thème «Le métier d’avocat: des traditions enracinées et une action de droit et humaine permanente», il a précisé que le ministère se penche sur l’élaboration d’une vision nouvelle et intégrée du système de formation, dans ses aspects fondamentaux et continus, dans le domaine de la justice, conformément à de nouvelles approches et à des objectifs clairs et précis.
«Cette vision prend en considération les changements, qui ont eu lieu sur la scène judiciaire au cours des dernières années et la révolution législative qu’a connue le système juridique national», a-t-il expliqué lors de cette rencontre tenue en présence du président de l’Union des avocats arabes, le bâtonnier de l’Ordre des avocats d’Egypte, le président de l’Association des barreaux du Maroc, des responsables judiciaires et des élus. Et d’ajouter qu’il s’agit d’une vision qui répond également aux besoins croissants dans le domaine de la formation aux professions juridiques et judiciaires.
Sur un autre registre, le ministre a mis en exergue que le développement du métier d’avocat ne se limite pas à la législation, mais s’étend au-delà à la préservation de l’honneur de la profession et son statut juridique dans la société, notant que le développement des domaines juridique et judiciaire nécessite une attention particulière portée à la formation et à la formation continue pour renforcer les capacités des professionnels du système judiciaire.
Il a rappelé, dans ce sens, les chantiers ouverts par le ministère de la Justice, notamment le chantier de modernisation et de numérisation, ajoutant que l’objectif réside en une transformation numérique du système judiciaire et le passage à la dématérialisation des procédures.
De son côté, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tétouan, Mohamed Kamal Mehdi, a indiqué que la conférence du stage se veut une tradition qui célèbre les lauréats stagiaires, soulignant que l’événement de cette année se caractérise par l’organisation de plusieurs séminaires encadrés par d’anciens bâtonniers et juristes, ainsi que l’organisation de plusieurs activités s’étalant sur une période de quatre jours.
Le nombre de lauréats de la profession dans l’Ordre de Tétouan a atteint 76 avocats, a-t-il relevé.
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Marchés publics : Obligation d’enregistrement sous peine de sanction

La Trésorerie générale du Royaume s’apprête à appliquer des sanctions en matière d’enregistrement des marchés publics. C’est ce qui ressort d’une note de service, dont EcoActu.ma détient une copie, en date du 10 février adressée par la TGR aux comptables publics. Elle concerne ceux qui n’ont pas respecté les dispositifs de la loi des Finances n°80-18 pour l’année budgétaire 2019. Une loi qui a modifié et complété l’article 127-I-B-6 du Code général des Impôts (CGI) en soumettant obligatoirement à la formalité d’enregistrement les marchés publics de l’Etat, des établissements publics et des collectivités territoriales.

«Cependant le non-respect de cette obligation de soumettre les marchés publics à la formalité d’enregistrement n’a pas été assorti de sanction par ledit texte. Aussi la loi de finances n° 70-19 pour l’année budgétaire 2020 a complété les dispositions de l’article 184 du CGI en instituant une sanction pour non représentation des marchés publics à la formalité d’enregistrement »,  fait savoir la présente circulaire.

Compte tenu de ce constat, la TGR annonce qu’à compter du 1er janvier 2020, il est appliqué aux marchés publics une majoration de 0,5% en cas de non présentation à la formalité d’enregistrement ou de présentation hors délai de 30 jours prévu à l’article 128 du CGI. Le délai de 30 jours commence à courir à compter de la date de notification de l’approbation du marché par l’autorité compétente.

« Toutefois cette majoration de 0,5% est réduite à 0,25% en cas de présentation des marchés publics à la formalité d’enregistrement dans un délai ne dépassant pas 30 jours de retard. A noter que ladite majoration est calculée sur le montant de la base telle que définie à l’article 131 du CGI, avec un minimum de 500 DH sans toutefois dépasser 100.000 DH », précise la TGR.

La TGR rappelle par ailleurs qu’il convient de signaler que les avenants sont considérés comme étant des marchés publics et ce conformément aux dispositions du décret n°2-12-349 relatif aux marchés publics. Du coup, ils subissent le même traitement fiscal applicable aux marchés publics auxquels ils se rapportent.

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Arbitrage au Maroc: « Il est temps de rectifier le tir » (Khalid Zaher)

Exequatur et procédure contradictoire; clause compromissoire… sont les points névralgiques de l’avenir de l’arbitrage au Maroc. Le Pr Khalid Zaher, Professeur de droit, arbitre, conseil et membre la commission chargée de rédiger le projet de Code l’arbitrage, répond à nos questions.

Médias24: Si vous deviez faire un bilan, en quelques mots, de l’évolution de l’arbitrage au Maroc, que vous diriez-vous ?

Khalid Zaher: En réalité, la loi 08-05 devait marquer un tournant en alignant enfin le cadre réglementaire de l’arbitrage au Maroc sur les standards internationaux, particulièrement en matière d’arbitrage international. Il n’en fut rien. La question de l’exequatur, point névralgique de l’arbitrage, le montre amplement.

Le Code de procédure civile de 1974 qui constituait le cadre légal de l’arbitrage au Maroc jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi 08-05 n’exigeait nullement la procédure contradictoire lors de l’exequatur. Les juges marocains devaient donc statuer sur la demande d’exécution en l’absence des parties.

La Cour de cassation marocaine, à l’époque appelée Cour Suprême, avait clairement affirmé dans son fameux arrêt du 7 juillet 1992 que le principe du contradictoire était exclu en matière d’exequatur. De surcroît, sous l’empire de l’ancienne loi, l’action en annulation de la sentence n’était pas possible. Dès lors, l’exécution effective des sentences arbitrales intervenait dans un temps raisonnable.
Après la promulgation de la loi 08-05, qui s’inspire en grande partie de la loi-type de la CNUDCI et du droit français, la pratique judiciaire de l’arbitrage au Maroc a connu certaines déviances en négligeant l’une des raisons fondamentales pour laquelle les opérateurs du commerce international optent pour l’arbitrage à savoir la célérité.
En effet, soumettre un litige à l’arbitrage, c’est vouloir d’abord et avant tout échapper aux lourdeurs inhérentes à la justice étatique afin d’obtenir rapidement une décision exécutoire. Or, en instaurant une procédure contradictoire lors des actions en exequatur des sentences arbitrales, qu’elles soient internes ou internationales, les juges marocains ont vidé la réglementation de l’arbitrage de tout son intérêt.
Ceci est d’autant plus vrai que la loi 08-05 n’impose nullement la procédure du contradictoire et que le droit français qui l’inspire exclut cette dernière devant le juge de l’exequatur. La raison en est que la partie qui prétend que la sentence arbitrale a été rendue en violation de ses droits sera toujours en mesure de former une action en annulation de ladite sentence dans le cadre d’une procédure contradictoire.
La cohérence de cette position ne souffre aucune contestation. Et pour cause : il serait malvenu qu’une partie, ayant succombé devant les arbitres, puisse soulever un certain nombre de griefs devant le juge de l’exequatur dans le cadre d’une procédure contradictoire, avant de reformuler plus tard les mêmes griefs, cette fois-ci, devant le juge de l’annulation, toujours dans le cadre d’une procédure contradictoire ! Cette pratique, initiée et instaurée par les juridictions de Casablanca, retarde considérablement l’exécution effective de la sentence arbitrale au mépris des droits des parties et vide, en conséquence, le recours à l’arbitrage de tout son intérêt. Il va sans dire que cette pratique n’est pas de nature à encourager les investisseurs ni à les rassurer faute d’efficience de l’arbitrage.

Cette pratique du contradictoire, oeuvre purement jurisprudentielle, est appelée à être consacrée par le législateur. En effet, le projet de Code de l’arbitrage traduit en actes législatifs une pratique instaurée par les juges au mépris des règles élémentaires de l’arbitrage et des standards internationaux en la matière. Il est encore temps de rectifier le tir en supprimant le contradictoire devant le juge de l’exequatur.

Au vu de ce qui précède, il n’est nullement exagéré d’affirmer que l’évolution de la pratique marocaine de l’arbitrage est plutôt négative.

– Y a-t-il réellement des apports ?

-Les apports de la loi 08-05 sont incontestables. Pour la première fois, toute une section a été dédiée à l’arbitrage international qui, lui, n’était pas expressément réglementé par le Code de procédure civile de 1974.

L’État et les collectivités publiques peuvent désormais recourir à l’arbitrage, le législateur les y a expressément autorisés. La mention manuscrite comme condition de validité de la clause compromissoire dans les contrats commerciaux a été supprimée. Toutes ces évolutions constituent autant d’avancées significatives en matière d’arbitrage.

Il n’en demeure pas moins que la pratique judiciaire, lorsque l’esprit de la législation est mal assimilé, est susceptible de remettre en cause les acquis législatifs en vidant ces derniers de tout leur sens.

– Au final, peut-on dire que l’arbitrage joue un rôle important dans l’attractivité de Casablanca et du Maroc pour les investisseurs étrangers?

-Casablanca est immanquablement appelée à devenir une place phare de l’arbitrage en Afrique.

Le cadre réglementaire de l’arbitrage au Maroc, avec une bonne pratique judiciaire axée notamment sur la souplesse des procédures, est de nature à favoriser cette attractivité. De même, l’émergence d’un certain nombre de centres d’arbitrage comme le Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Casablanca (CIMAC) sous l’impulsion du Casablanca Finance City est appelée à jouer un rôle majeur qui fait du Maroc, et notamment de sa capitale économique, une place particulièrement attractive pour les investisseurs étrangers.

– Malgré un cadre réglementaire et législatif favorable, les exequaturs peuvent parfois être difficiles à obtenir. Est-il vrai que les juges de l’exequatur peuvent réexaminer le dossier après un arbitrage en bonne et due forme et contester la sentence arbitrale ?

-Il est vrai que la convocation des parties à l’audience de l’exequatur sous couvert du respect du principe du contradictoire prolonge de manière déraisonnable l’exécution effective de la sentence arbitrale pour les raisons évoquées plus haut. Néanmoins, il faut se garder d’affirmer que l’exécution au Maroc des sentences arbitrales est impossible à obtenir. L’exequatur est accordée dans la majorité des cas.

Cependant, certains juges de l’exequatur, pas toujours au fait de la pratique de l’arbitrage international et de ses techniques, très différentes au passage de celles ayant cours dans l’arbitrage interne, peuvent être enclins à rediscuter, au stade de l’exécution, des principes considérés partout dans le monde comme indiscutables et indiscutés. L’exemple le plus illustratif est celui de l’extension de la clause compromissoire à une partie non-signataire.

Lorsqu’une société-mère par exemple se comporte comme une véritable partie en négociant et en exécutant un contrat sans signer ce dernier, les arbitres internationaux la considèrent en toute logique comme une partie audit contrat et ce bien qu’elle ne l’ait pas signé. La négociation et l’exécution ou le début d’exécution suffisent à matérialiser son consentement aux yeux des arbitres internationaux.
Il y a là un principe incontestable de l’arbitrage commercial international. Or, dans le dessein d’échapper à ses responsabilités, la société-mère tentera devant le juge marocain de l’exequatur de rediscuter dans le détail la phase de négociation, d’exécution voire même, ce qui est absurde, le montant des dommages-intérêts accordé par les arbitres.

En acceptant de rediscuter ces différents points, le juge marocain de l’exequatur procède, peut-être inconsciemment, à un réexamen du fond de la sentence arbitrale formellement interdit.
Dans d’autres cas, la partie ayant succombé devant les arbitres prétendra que ces derniers n’ont pas correctement appliqué ou interprété la loi applicable au contrat. Or, la manière dont les arbitres appliquent et interprètent la loi échappe complètement au contrôle du juge de l’exequatur. Il y a là encore un principe incontestable de l’arbitrage commercial international.

En acceptant de rediscuter la façon dont les arbitres ont appliqué la loi ou les règles de droit applicables, ce qui est rarement le cas, le juge de l’exequatur participe bon gré mal gré à un réexamen du fond de la sentence interdit par la loi car nuisible à la pratique de l’arbitrage commercial international.

Ces deux exemples illustrent à merveille les pratiques judiciaires qui répugnent les investisseurs étrangers et, partant, affectent l’attractivité du Maroc.

 

Par : RédactionMedias24

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Comment l’arbitrage au Maroc risque de régresser à cause d’une pratique négative

Dans les dossiers d’exequatur, une pratique judiciaire impose le contradictoire en l’absence de base légale. Un frein à la célérité devant caractériser les affaires d’arbitrage. Et un facteur d’inquiétude pour les investisseurs.

Dans les juridictions marocaines, l’arbitrage tarde à prendre son envol. La lenteur des procédures en est la principale cause. En la matière, la célérité constitue pourtant un principe. C’est même l’essence de ce mode alternatif de règlement des litiges.

 « Soumettre un litige à l’arbitrage c’est vouloir, d’abord et avant tout, échapper aux lourdeurs inhérentes à la justice étatique afin d’obtenir rapidement une décision exécutoire », rappelle Khalid Zaher, professeur de droit, arbitre et conseil, dans un entretien avec Médias24. Pour ce juriste, la pratique judiciaire fait ressortir certaines « déviances » qui expliquent en partie les lenteurs.

Dans des dossiers d’exequatur, les juges continuent d’exiger « la présence des parties », alors que la loi 08-05, qui constitue le cadre légal de l’arbitrage au Maroc, « n’impose nullement la procédure du contradictoire », nous explique Pr Zaher.

« Cette pratique, initiée et instaurée par les juridictions de Casablanca, retarde considérablement l’exécution effective de la sentence arbitrale au mépris des droits des parties et vide, en conséquence, le recours à l’arbitrage de tout son intérêt », déplore le juriste.

Exemple édifiant: Le litige opposant Ynna Holding à Fives FCB. Cette dernière a obtenu une sentence arbitrale favorable en 2011. Neuf ans plus tard, la société française court toujours après l’exequatur. Ce mécanisme permet de rendre « exécutoire », sur le sol marocain, une décision rendue à l’issue d’un arbitrage.

De pratique judiciaire, le contradictoire sera-t-il érigé en norme légale?

« Œuvre purement jurisprudentielle », le contradictoire dans les actions en exequatur s’achemine pourtant vers une consécration législative. « En effet, le projet de Code de l’arbitrage traduit en actes législatifs une pratique instaurée par les juges, au mépris des règles élémentaires de l’arbitrage et des standards internationaux en la matière« , alerte Khalid Zaher.

Annoncé depuis deux ans par le ministère de la Justice, le texte n’a pas encore dépassé le palier du Conseil de gouvernement.

Pour notre interlocuteur, le constat est sans appel: « l’évolution de la pratique marocaine de l’arbitrage est plutôt négative« . Un cadre légal efficace n’est pourtant pas un luxe. Et va de pair avec des efforts consentis par le Maroc, en vue d’encourager les investisseurs, notamment étrangers, et « de les rassurer faute d’efficience de l’arbitrage ».

Un hub de l’arbitrage en Afrique?

Casablanca est appelée à devenir un hub de l’arbitrage en Afrique. Or, aujourd’hui, « la majorité des litiges impliquant des parties africaines sont réglés en dehors du continent, et cela pour des raisons multiples qui ont notamment trait aux préjugés à l’égard des systèmes judiciaires du continent », note Said Ibrahimi, Directeur général de Casablanca Finance City au cours d’un échange avec Médias24.

Opérationnel depuis 2016, le Centre International de Médiation et d’Arbitrage (CIMAC), vient justement « répondre à ce besoin de régler des litiges entre parties africaines sur le continent, à Casablanca, aux normes internationales et avec toutes les garanties requises », ajoute Ibrahimi.

Impulsé par le CFC, le CIMAC est constitué de seize arbitres, de quatorze nationalités différentes, couvrant les quatre langues officielles du CIMAC (anglais, arabe, espagnol et français). Il est présidé par Laurent Lévy, sommité mondiale de l’arbitrage international.

Dès le lancement de CFC, « l’objectif était de doter la place d’un centre de médiation et d’arbitrage de renom », explique M. Ibrahimi. Et ce, dans un contexte où « les modes extrajudiciaires sont particulièrement utilisés au sein des places financières », affirme-t-il. C’est le cas des membres de la communauté CFC, qui comptent plus de 2 000 entreprises internationales, « habituées à des voies souples et rapides de règlement des litiges ».

Par A.E.H.

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Le Ministère public lance le service électronique de dépôt des plaintes

Un service électronique pour formuler les plaintes a été lancé par le Ministère public, vendredi, en marge du programme du Salon international du livre et de l’édition.

A cette occasion, le secrétaire général du Ministère public, Hicham Balaoui, a expliqué que ce service permet aux citoyens marocains et aux étrangers résidant au Maroc, mais également la communauté marocaine résidant à l’étranger de déposer leurs plaintes et d’en suivre l’avancement à distance, que ce soit par le biais de leurs téléphones portables ou via le portail www.pmp.ma.

Cet outil a été pensé, selon le SG du Ministère public, afin de faciliter l’accès à la justice et de permettre la proximité avec les citoyens et l’interaction immédiate avec leurs doléances.

Ce service est adossé à un autre portant sur la communication avec les plaignants par le moyen de SMS, qui l’informent du sort de sa plainte et le renvoient à la consultation de son action sur le site électronique.

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Effectivité des lois. Le gouvernement tiendra-t-il ses engagements

Le gouvernement va-t-il tenir ses engagements sur le plan législatif ? Plusieurs textes se font encore attendre alors qu’il ne reste plus qu’un an et demi pour la fin de cette législature. Les décrets d’application de plusieurs lois publiées, depuis des années, au bulletin officiel ne sont pas encore édités. Le gouvernement compte bientôt s’attaquer à ce dossier.

Le tiers des législations adoptées par le Parlement restent sans décrets d’application pendant une durée dépassant un an. Le gouvernement est appelé à rectifier le tir durant cette législature. Interpellé sur cette question à la Chambre des conseillers, le ministre d’État chargé des Droits de l’homme et des relations avec le Parlement, Mostafa Ramid, souligne que le chef du gouvernement a déjà donné ses instructions afin de concrétiser tous les engagements gouvernementaux en matière de textes réglementaires et d’application. Il s’agit d’un pari difficile à tenir compte tenu du retard abyssal accusé dans ce domaine. Plusieurs dispositions juridiques restent lettres mortes à cause de la non publication des textes d’application. Les parlementaires citent, entre autres, la loi sur les libertés des prix et de la concurrence dont 13 textes d’application ne sont pas encore publiés, la loi 67-15 relatives aux hydrocarbures, la loi 23-13 relative à la protection de la propriété industrielle…

Des garanties s’imposent
D’aucuns soulignent qu’il s’avère indispensable de garantir l’effectivité des lois pour accroître la crédibilité de l’action publique. La lenteur dans la mise en œuvre de l’arsenal juridique a en effet un impact négatif sur le plan économique et social. Rappelons à cet égard que le Conseil économique, social et environnemental a déjà prôné la nécessité de mettre en place des mécanismes institutionnels et procéduraux pour permettre aux députés d’assurer le suivi de l’application des lois qu’ils ont votées.

À l’issue d’un délai de six mois par exemple suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, un rapport sur la mise en application de cette loi doit être présenté à la commission compétente.

Ce rapport dresse le bilan des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Il peut donner lieu, en séance publique, à un débat ou à une séance de questions. À cela s’ajoute l’impératif de veiller à ce que les lois, tout en s’alimentant des standards et des meilleures pratiques internationales, soient adaptées à la réalité marocaine et soient élaborées dans le cadre d’une approche participative pour une application pleine et effective.

Expériences internationales
Le Maroc n’est pas le seul pays concerné par cette problématique. Plusieurs parlements ont érigé l’évaluation de l’implémentation des lois en priorité au même titre que la mission de législation en vue de rectifier le tir, le cas échéant dans des délais raisonnables.

Au Maroc, l’institution législative a commencé à peine, il y a quelques années, à s’intéresser à cette question qui mérite d’être prise en compte dans l’action parlementaire. Il s’agit non seulement de passer au peigne fin l’effectivité des lois mais aussi d’évaluer leur impact sur la société. Cette mission ne doit pas être considérée comme un luxe mais une exigence qui doit faire partie des attributions des parlementaires. Il faut dire que l’implémentation de la législation, dans les quatre coins du globe, est complexe et ne se fait pas toujours automatiquement comme on pourrait le penser.

Au Royaume-Uni, à titre d’exemple, le gouvernement est tenu de répondre au rapport qui lui est transmis par le Parlement dans un délai ne dépassant pas deux mois. L’Exécutif édite aussi des mémorandums détaillés sur la mise en œuvre de chaque loi, trois ans après son adoption. Selon les experts, il est préférable de procéder au contrôle trois ans après la mise en vigueur des lois. L’analyse de la perception de la loi par les différentes parties, dont la justice, s’impose.

Par ailleurs, le gouvernement est appelé à tenir ses engagements en matière législative en soumettant au Parlement les projets de loi qui se font toujours attendre. Il s’agit notamment de la révision du projet de loi organique sur le droit de grève qui est bloqué à la Chambre des représentants depuis 2016, du projet de réforme du Code du travail qui est décrié et redouté par les partenaires sociaux, du projet de loi portant sur les syndicats, du texte sur l’administration électronique…

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Benchmark juridique. Mohamed Hajoui invite Corinne Lepage

L’ancienne ministre française de l’environnement et députée européenne Corinne Lepage a été reçue, lundi, par le Secrétaire général du gouvernement, Mohamed Hajoui. Dans le cadre de la nouvelle politique du Secrétariat général du gouvernement, le Maroc s’inspire des expériences étrangères réussies en matière de production normative et réglementaire, cette rencontre s’inscrit dans l’optique de capitaliser sur les acquis d’expériences étrangères en matière de droit.

Les échanges entre le secrétaire du gouvernement et l’ancienne ministre qui ont eu lieu à Rabat, ont porté sur les textes de loi et leur mise en œuvre par des textes d’application. Les deux partis ont estimé, selon un communiqué officiel du gouvernement, que l’accompagnement rapide des textes législatifs et réglementaires par des dispositifs d’application de ces derniers serait essentiel pour leur mise en œuvre effective.

En tant qu’élue locale, ministre et députée au Parlement européen Corinne Lepage jouit d’une expérience multidimensionnelle en matière de production normative. Elle a dans ce sens, présenté une conférence le thème: “Comment s’assurer de la bonne application de la volonté du législateur dans les textes d’application des lois”, à laquelle ont assisté les conseillers juridiques et les hauts cadres du secrétariat général du gouvernement.

Cette conférence au secrétariat général du gouvernement est la première d’un cycle de présentations et d’analyses initié par Mohamed Hajoui pour aborder des thèmes visant une meilleure production normative tels la veille et l’intelligence juridique, la qualité et la diffusion du droit et la prévention de l’inflation normative.

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La VEFA dans sa mouture actuelle n’est pas applicable

Le scandale de l’escroquerie du groupe immobilier Bab Darna a porté un coup dur à la réputation de tout un secteur dont la contribution au PIB national dépasse 6%. Au-delà de cette affaire, l’application de la loi sur la VEFA suscite beaucoup de critiques à cause des abus de certains promoteurs. Taoufik Kamil explique la position de la FNPI qui milite pour la révision et l’application de la loi relative à l’achat sur plan afin de donner plus d’assurance aux transactions et garantir les intérêts aussi bien des acquéreurs que des promoteurs.

Challenge : Le Conseil du gouvernement qui s’est tenu le 2 janvier dernier, a décidé de reporter sine die, l’examen et l’approbation du projet de décret garantissant la restitution des échéances payées en cas de non-exécution du contrat de vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement (VEFA). Plusieurs promoteurs immobiliers s’interrogent sur le timing choisi pour faire passer ce décret, quatre ans après la sortie de la loi sur la VEFA. Qu’en pensez-vous ?

Taoufik Kamil : La publication de la loi sur la VEFA date de février 2016. Le décret d’application de cette loi vient d’être remis au Conseil du Gouvernement en janvier 2020, sans aucune concertation avec les professionnels du secteur. Nous rappelons que la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers a émis des réserves substantielles concernant cette loi, déjà bien avant son adoption en 2016 qui n’ont hélas, pas été prises en compte. Les modalités d’application de cette loi, largement inspirée de la juridiction Française, ne sont pas réalisables dans notre pays.

En effet, en France la VEFA est basée sur un transfert de propriété déjà en cours de construction, car les titres fonciers des biens en cours d’édification sont édités dès l’obtention de l’autorisation de construire. Le contrat établi entre les contractuels est, dès sa signature un contrat de vente définitif avec un transfert progressif de la propriété qui se réalise totalement en fin de travaux au profit de l’acquéreur. Aussi, les banques peuvent financer l’acquéreur dès la signature de ce contrat de vente préliminaire et peuvent débloquer les crédits qui lui sont accordés par le biais du notaire au promoteur au fur et à mesure de l’avancement des travaux du bien en question. Ces dispositions sont logiques et applicables.

Dans notre pays, les titres fonciers des biens en cours de production ne sont établis qu’après la fin des travaux de construction à 100%, et l’obtention du permis d’habiter. Ce schéma est tout à fait différent du système Français.

Par ailleurs il est exigé dans le cadre de la VEFA (version Maroc), que toute avance octroyée au promoteur donne lieu à une garantie de restitution des avances (soit bancaire soit par le biais d’une assurance) à l’acquéreur en cas de non réalisation ou de retard significatif du projet de construction. Or, les banques ne financent un projet immobilier que s’ils ont une visibilité sur l’état de commercialisation du projet et exigent des contrats de réservation avec remise d’avances au promoteur. Aussi, les banques ne peuvent financer un projet immobilier et donner une garantie supplémentaire de restitution des avances des acquéreurs. Par ailleurs, il n’existe pas de produit chez les assureurs pour les remboursements des avances aux acquéreurs consenties aux promoteurs.

Suite à ce qui vient d’être énoncé, l’application de la VEFA dans sa mouture actuelle n’est absolument pas applicable. Cette loi nécessite des modifications substantielles qui sont incontournables et absolument indispensables pour être appliquées. La FNPI milite dans ce sens et demande la révision et l’application de la prochaine version modifiée de cette VEFA qui donnera plus d’assurance aux transactions et garantira les intérêts des acquéreurs ainsi que ceux des promoteurs.

Les dysfonctionnements, malversations et escroqueries dont ont été victimes un certain nombre de nos concitoyens et que nous déplorons vivement, ne doivent pas nous conduire à réagir spontanément de la sorte. Nous rappelons que la FNPI a par le passé mis en garde toutes les autorités dans l’enceinte même du Parlement, par rapport aux pratiques délictuelles constatées essentiellement par des amicales d’habitation dont ont émané la majorité des scandales d’escroquerie actuels et par quelques individus se prétendant promoteurs immobiliers pour réaliser leurs malversations. L’établissement d’un statut de promoteur immobilier professionnel devant apporter des garanties et respecter les règles de la profession est aussi réclamé depuis des années, en vain.

La FNPI a adressé une lettre au Chef du gouvernement et à tous les ministres dans laquelle elle exprime son désarroi sur l’application de cette loi. Que craignent les promoteurs immobiliers dans la mise en application du projet de décret ?

Il aurait fallu une concertation beaucoup plus approfondie constructive et inclusive avec le GPBM, les assurances et la FNPI avec l’autorité de tutelle avant de prendre une telle initiative. Comprendre pourquoi cette loi n’a pas été appliquée et ne peut l’être dans son état actuel. Imposer au secteur de la promotion immobilière ce dispositif risquerait très sérieusement de le bloquer totalement. Nous rappelons que l’activité immobilière, qui est en plus en difficulté, emploie de manière globale avec tout son écosystème un million de personnes. Il y a lieu de mettre en œuvre des processus viables qui puissent contribuer au développement du secteur immobilier et non d’imposer des contraintes juridiques inapplicables au risque de le mettre en péril. Les effets systémiques considérables générés par ces malversations à répétitions sur les fondements même de notre profession et de tout son écosystème, déjà fragilisée par différents autres facteurs vont être préjudiciables. La FNPI s’est portée partie civile dans cette affaire à cause de ces dommages. Mme la Ministre nouvellement nommée à la tête de ce ministère stratégique, se retrouve avec des dossiers sensibles à gérer non traités auparavant et dont elle a hérité. Une rencontre a eu lieu récemment au ministère avec Mme la Ministre et la FNPI au cours de laquelle ce dossier et la loi de la VEFA ont été discutés en toute transparence dans une optique constructive et bénéfique pour le secteur. Nous l’en remercions vivement. Une commission mixte pour débattre et étudier de manière approfondie avec la célérité qu’il se doit, l’ensemble de cette problématique et y apporter les solutions adéquates a été mise en place. La FNPI est un partenaire stratégique du ministère avec lequel nous collaborons en toute synergie. Le seul objectif de la FNPI, est la pleine réussite de toute politique d’habitat et d’urbanisme efficiente de notre pays, dans l’intérêt suprême de notre nation. Il y a lieu aussi de remédier à d’autres dysfonctionnements qui entravent la bonne marche de l’activité immobilière par la mise en place de dispositifs très simples que nous avons également proposés à Mme la Ministre, ainsi que de procéder à de nouvelles orientations en matière d’urbanisme et autres.

Comment expliquez-vous que les opérations d’achat de biens immeubles sur plan ou en cours de construction, font de plus en plus de victimes qui voient leur rêve de devenir propriétaire se transformer en cauchemar ?

Nous constatons et dénonçons encore une fois depuis des années, que des non professionnels se ruent sur cette profession qu’ils ne maîtrisent pas, dans la seule optique d’engranger des gains par des méthodes et moyens frauduleux au détriment d’acquéreurs désireux de se loger aux moindres coûts et qui sont induits en erreur par les mensonges et méthodes de ces arnaqueurs. Il ne s’agit en aucun cas de promoteurs immobiliers scrupuleux et consciencieux. Il est temps d’établir un statut juridique des promoteurs immobiliers qui doit comporter les droits et obligations des promoteurs immobiliers et doivent être bien identifiés.

Faire croire que l’achat de deux logements donne droit à un troisième gratuit, doit quand même interpeller les différentes autorités publiques dans toutes leurs composantes. Des méthodes publicitaires mensongères et tapageuses portées par même les plus grands médias sont utilisées sans aucun contrôle des différentes autorités.

Comment peut-on laisser commercialiser des logements prétendus en cours de construction sans en être propriétaire et sans que ces projets ne soient autorisés ? 

Encore une fois, beaucoup d’«amicales d’habitations» dont le statut devrait être celui des coopératives d’habitation plus réglementé, agissent de la sorte au vu et au su des autorités. Ces structures doivent avoir leurs membres bien identifiés avant tout achat de parcelle, et ces mêmes structures ne doivent en aucun cas commercialiser leurs biens, sinon il n’est plus question d’un regroupement de personnes voulant construire leurs propres logements, mais des opérations commerciales voulant échapper au fisc. Tant que des mesures strictes ne sont pas prises contre ce genre de pratiques, diverses escroqueries seront permises et des personnes crédules voulant accéder à un logement seront flouées.

Avec les failles du dispositif relatif à la VEFA, faut-il continuer à acheter sur plan ?

Bien entendu. Il faut s’adresser à des promoteurs immobiliers connus et reconnus. Il y a lieu de vérifier que le foncier objet du projet en question est bien la propriété du promoteur en question et que le projet est bien autorisé. Nous espérons vivement que des approches constructives inclusives et participatives soient adoptées par les autorités pour pouvoir établir un cadre juridique adapté et applicable dans le cadre des spécificités de notre pays. Faire des avances hors de ce cadre comporte de sérieux risques pour l’acquéreur.

La FNPI a fait plusieurs propositions concrètes concernant les modifications à apporter à l’actuelle VEFA, pour garantir les intérêts des acquéreurs et du promoteur aux autorités de tutelle. Espérons qu’elles soient lues, étudiées et adoptées.

De même que la FNPI n’a cessé de produire depuis des années de multiples propositions pour améliorer l’activité du secteur, le règlementer davantage pour le rendre beaucoup plus performant et surtout permettre l’accès légitime de nos concitoyens à un logement décent de qualité et à un coût adapté au pouvoir d’achat de chacun d’entre nous.

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