Arbitrage: Les principaux amendements apportés au projet de loi à la chambre des représentants

Arbitrage: Les principaux amendements apportés au projet de loi à la chambre des représentants

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Avant d’atterrir à la Chambre des conseillers le 23 juin dernier, le projet de loi sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle a été modifié lors de son passage chez les députés. Parmi les amendements apportés, la suppression d’une disposition problématique contre laquelle ont protesté les praticiens. Détails.

Soumis à la Chambre des conseillers le 23 juin dernier, le projet de loi sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle n’a pas encore été définitivement adopté par le Parlement.

Venant encadrer les procédures alternatives à la justice étatique, ce texte a fait l’objet de nombreux amendements lors de son passage chez les députés.

Certaines des modifications opérées permettent de verrouiller l’accès à l’exercice de la mission d’arbitrage en renforçant les conditions d’aptitudes professionnelles des arbitres. Ces derniers devront répondre à des critères relatifs à leur expérience dans le domaine juridique et avoir un minimum de qualifications scientifiques.

D’autres amendements ont été opérés suite aux alertes lancées par des praticiens. Il s’agit notamment de l’article 83, qui a fait l’objet d’une modification avant d’être déposé au Parlement, à travers laquelle un impératif de double notification a été ajouté.

Contacté par Médias 24, Khalid Zaher, professeur de droit, arbitre, conseil et membre de la commission chargée d’élaborer le Code de l’arbitrage, explique que « cette disposition, qui n’aurait fait qu’alourdir la procédure et nui au développement de l’activité des centres d’arbitrages au Maroc, a finalement été abandonnée ».

Usage des moyens électroniques dans les procédures d’arbitrage

Amendés par les représentants, les articles 34 et 35 viennent améliorer la pratique de l’arbitrage en introduisant l’usage des moyens électroniques. L’instance arbitrale peut, en cas de nécessité et après approbation des parties, tenir une réunion à distance, via des moyens de télécommunication. La demande d’arbitrage, quant à elle, peut être faite par écrit ou de manière électronique.

Quant aux problématiques liées à la forme des sentences arbitrales, fruit du manque de connaissances des techniques de rédaction de jugements, l’article 51 a été amendé pour introduire les mentions à indiquer dans la sentence arbitrale. Comme l’a souligné Malika Khalil (PAM), lors de l’examen du projet de loi en commission de justice de la Chambre des représentants, “la plupart des sentences annulées le sont pour la faiblesse de leur formulation au niveau de la forme”.

Dans sa version adoptée par les représentants, l’article 51 dispose que la sentence arbitrale écrite doit contenir les noms, nationalités, statuts et adresses des arbitres. Les noms des parties, leurs lieux de résidence ainsi que les noms de leurs mandataires doivent également être mentionnés.

Dans le cas où l’une des parties est une personne morale, sa dénomination, sa nature ainsi que son siège administratif ou social doivent être indiqués dans la sentence arbitrale, qui doit, en sus, inclure une présentation succincte des faits, les revendications des parties ainsi que les éléments qui ont été tranchés.

Arbitrage international: L’impératif de la double notification « heureusement » supprimé

La version du projet de loi, telle que déposée au Parlement, a fait réagir certains experts. L’article 83, en particulier, a fait l’objet de polémiques. Jugé contraignant pour la pratique de l’arbitrage international, il a finalement été amendé.

Le Professeur Khalid Zaher nous explique que “la mouture actuelle de l’article 83, telle que soumise à l’adoption par le Parlement, est conforme à la rédaction initiale. Un consensus de la commission chargée de rédiger le projet de Code d’arbitrage s’était dégagé à propos de la suppression de la double notification de la sentence et de l’ordonnance d’exequatur lors des travaux en 2015. Le choix de s’en tenir à la seule notification de la sentence arbitrale était arrêté. La version du texte de 2017 est très claire là-dessus. Il a fallu attendre plusieurs années et passer par de nombreuses modifications pour revenir vers la version initiale”, nous indique-t-il.

“Dans la version approuvée et amendée par la commission de justice, l’article 83 disposait qu’un recours en annulation pouvait être formé contre la sentence internationale rendue au Maroc dès le prononcé de la sentence arbitrale ou dans les 15 jours suivant la notification de la sentence arbitrale et de l’ordonnance d’exequatur. Or le recours en annulation et le délai pour l’exercer suspendent l’exequatur. Cette version n’était conforme ni à la philosophie de l’arbitrage, ni à ses objectifs en ce qu’elle retardait abusivement l’exécution de la sentence arbitrale », indique Professeur Zaher.

« Concrètement, la partie qui perd une sentence arbitrale peut attendre que la demande d’exequatur soit faite pour présenter ses arguments avec l’objectif de mettre en échec l’exécution de ladite sentence. Si l’ordonnance d’exequatur est accordée, elle attendra la notification aussi bien de la sentence arbitrale que de l’ordonnance d’exequatur pour former un recours en annulation et ainsi suspendre  à nouveau l’exécution de la sentence arbitrale.  Pendant tout ce temps, la sentence arbitrale n’est toujours pas dotée de la force exécutoire », poursuit-il.

“Si cette disposition avait été adoptée en l’état, cela aurait porté un sérieux coup au développement de l’arbitrage international sur la place de Casablanca. Il a fallu de nombreuses discussions et explications entre le ministère, les membres de la commission chargée de rédiger le Code de l’arbitrage et différents acteurs de la vie économique pour enfin ramener ce texte à sa version initiale », explique le Professeur.

Dans sa mouture actuelle, cet article dispose que « le recours en annulation peut être formé dès le prononcé de la sentence arbitrale ou dans un délai de 15 jours suivant sa notification. Passé ce délai, le recours en annulation ne sera plus possible. Dès lors, il n’y a plus de double notification. Le délai de 15 jours commence à courir dès la notification de la seule sentence arbitrale. Cela change tout, la procédure d’exequatur ne sera plus retardée comme avant », ajoute-t-il.

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