Des questions qui se posent. Surtout à l’occasion de l’ouverture de la première session de la nouvelle législature, qui aura lieu ce vendredi 14 octobre, sous la présidence du Roi Mohammed VI.
Les détails au sujet des émoluments des parlementaires sont en effet introuvables. Le texte censé les fixer n’a jamais été publié au Bulletin officiel, tout comme celui relatif au traitement des ministres (même si ce dernier a fuité).
C’est à se demander s’il existe, ce texte. « Nous avons beau le chercher, vainement », s’indigne cet ex-parlementaire, également constitutionnaliste. Ce qui interroge sur la légalité de ces indemnités, le principe étant que chaque loi ne soit effective qu’après sa publication au BO.
Nous contactons le ministère des Finances, où des sources nous parlent de comptes « spéciaux », appelés péjorativement « comptes noirs ». Ceux-ci sont tenus auprès de la Trésorerie générale du Royaume. « Seul le directeur du service qui les gère peut vous renseigner. Mais je doute fort qu’il le fasse. Car tout le monde saura que c’est lui », nous lance un jeune cadre à la Trésorerie, comme pour nous en dissuader.
Il nous en dissuadera. Et pour ne pas perdre de temps, nous nous rabattrons sur les principaux concernés: les parlementaires. Un député ou conseiller gagnent 35.000 DH mensuels. Ce sont des émoluments. Mais avec les nombreux prélèvements, notamment la cotisation obligatoire au titre de la retraite (2.900 DH), certains ne gardent que 29.000, nous dit Hassan Tarik, ex-député USFP au sein de la Chambre des représentants.
Autre prélèvement, les pénalités sur l’absentéisme, prévus par les règlements intérieurs des deux chambres, mais rarement- jamais – appliquées.
35.000 DH, c’est la base. « Les présidents de groupes et ceux des commissions touchent 6.000 DH de plus », soit 41.000 DH, selon Abdelaziz Aftati, lui aussi ex-député PJD. « Mais le président de la Chambre des représentants gagne environ 90.000 DH », ajoute-t-il.
Le tout exonéré d’impôts.
Voila pour les revenus. Quid des avantages?
– Un parlementaire ne paie pas ses voyages en train. Il dispose d’une carte gratuite de l’ONCF.
– Les députés qui n’ont pas cette carte bénéficient d’une indemnité forfaitaire sur les frais du carburant et de péage d’autoroute, s’ils se déplacent en voiture.
– Les députés qui habitent dans le Sud (à compter d’Agadir), bénéficient d’une réduction à hauteur de 50% sur les billets d’avion.
– Les parlementaires issus de contrées lointaines, et qui doivent se déplacer à Rabat pour assister à une séance, profitent de trois nuitées gratuites à l’hôtel de leur choix.
– Les frais de mission sont indexés sur ceux des directeurs de l’administration centrale.
Le triple des députés tunisiens ou égyptiens
Les revenus du député marocain correspondent à ceux de son homologue algérien, qui touche également un peu plus de 35.000 DH, soit trois fois plus qu’un député tunisien (à peu près 2.227 dinars, équivalant à 10.000 DH). En Egypte, les indemnités avoisinent l’équivalent de 12.000 DH.
Tunisie, Algérie ou Egypte, les montants des indemnités des parlementaires sont publiés au bulletin officiel, accessibles à tout un chacun. Ceux de nos parlementaires sont ils classés secret défense?
Une législature coûte 4 milliards de DH, un député 2,1 millions de DH
Tout cela aux frais du contribuable. Sur les cinq dernières années, le budget global alloué aux deux Chambres du Parlement a atteint 3,9 milliards de DH, dont 3,1 affectés au personnel. Par personnel, on entend aussi bien les députés (395 membres), les conseillers (120 actuellement et 270 avant 2015), mais aussi les fonctionnaires du Parlement (entre 700 et 800), qui sont régis par un statut spécial (fourchette de salaires: entre 6.000 et 31.0000 DH + primes et indemnité selon le grade).
Sur un mandat, un seul député coûte 2,1 MDH. Multiplié par les 395 députés de la première Chambre, en faisant fi des indemnités supplémentaires du président, des présidents de groupes et de ceux des commissions et sans compter les avantages non numéraires, cela nous donne un peu plus de 829 millions de dirhams sur une législature.
Il s’agit là d’un calcul minimaliste, qui ne prend pas en compte d’autres charges, telles que les retraites. Chaque député ou conseiller touche une retraite de 1.000 DH pour chaque année passée durant la mandature, avec un plafond de 20.000 DH. Si les parlementaires paient une partie de leur pension (2.900 DH/mois), l’autre partie (sorte de cotisation patronale) est versée mensuellement par le Parlement (2.900 DH), donc par l’argent du contribuable. Il est à noter que cette retraite n’est pas transmissible aux ayants droits, contrairement à celle des ministres, qui en lèguent 50%.
Posons-nous donc les questions suivantes: combien d’anciens députés bénéficient encore d’une pension? Pour quel coût? Pourquoi aucune information de ce genre n’a été publiée? Pourquoi la Cour des comptes n’aborde pas le sujet? Et encore une fois, où est le texte juridique fixant les indemnités des parlementaires?
Enfin, notons que les dernières élections législatives ont coûté 1 MMDH au budget général de l’Etat.
par Abdelali EL HOURRI
« Lire l’article sur le site de l’auteur : » http://www.medias24.com/MAROC/NATION/POLITIQUE/167637-Apres-les-legislatives-voici-ce-que-coute-le-parlement-au-budget-de-l-Etat.html