31 millions de consommateurs toujours sans code

31 millions de consommateurs toujours sans code

Publié le : - Auteur : L'Economiste

15 mars! C’est la Journée mondiale des droits du consommateur.
Pour marquer le coup, la Fédération nationale des associations de consommateurs compte publier un communiqué où elle «appelle à plus de célérité dans l’adoption du projet de loi 31-08». Ce texte, qui a comme ambition de réguler la relation clients-commerçants-prestataires de services,… a la vie dure.
A l’heure où nous mettions sous presse, «il a été convenu que la fédération tienne une assemblée générale, le 14 mars à Kénitra, afin d’adopter une formule définitive de sa déclaration», selon son président, Mohammed Benkadour. L’éventualité d’une protestation symbolique via le port d’un brassard devant le Parlement n’est pas à écarter. Dans les milieux consuméristes, le projet de loi relatif à la protection du consommateur traîne une réputation de «texte orphelin» et qui n’a «ni valeur, ni poids». En fait, il devait être adopté lors de la session parlementaire d’octobre 2009 (L’Economiste du 18 septembre). L’essai n’a pas été transformé puisque le futur code est resté en instance. Comment se fait-il que «des textes de loi ont été adoptés alors qu’ils sont venus après: énergies renouvelables, la Fondation nationale des musées… sachant que la session parlementaire a été prolongée», s’interrogent les porte-parole du Forum marocain des consommateurs. Celui-ci n’est pas membre de la fédération (près d’une vingtaine d’associations), mais n’exclut pas cette option. Ce code traîne depuis une décennie. A l’origine, le projet de loi 31-08 avait un autre identifiant (27-00). La nouvelle formule, élaborée par le ministère du Commerce et de l’Industrie, remonte à octobre 2008. Le projet initial a même été adopté en conseil de gouvernement avant d’être enterré au secrétariat général du gouvernement, du temps de Feu Abdessadeq Rabiah (1945-2008).
Il reviendra au devant de la scène lors du discours royal du 20 août 2008 qui a appelé «l’exécutif et le législatif à diligenter l’adoption du code de protection du consommateur». L’allocution est intervenue au moment où crise économique internationale, ramadan et rentrée scolaire… se profilaient. Soulignons que les Européens, via le projet de jumelage -volet consommation- ont diplomatiquement pesé.

Adopter en l’état plutôt que de repousser les échéances

Le mouvement consumériste a recours à ces arguments pour pointer du doigt le retard accusé par le Parlement. Visiblement, la commission des secteurs productifs, présidée par Abdelkader Amara du Parti justice et développement, a anticipé sur ce coup de gueule.
L’ébruitement de l’information sur le ras le bol des associations aurait «poussé les parlementaires à relancer l’examen du projet de loi 31-08 relatif à la protection du consommateur», selon une source au Parlement. Ils ont jusqu’à présent examiné «170 articles sur 203». Sur le plan législatif, le texte est donc en examen à la Chambre des représentants.
La fédération compte peser de tout son poids lorsqu’il atterrira chez les conseillers. Pousser à une adoption hâtive du projet de loi 31-08 ne risque-t-elle pas de faire l’impasse sur les articles à problèmes? La Fédération nationale des associations de consommateurs préfère l’adopter en l’état plutôt que de repousser les échéances: «Son examen par les parlementaires aura un aspect politique plus que juridique». Le secrétariat général du gouvernement a par ailleurs déjà épluché le texte de loi. Ce constat lève indirectement le voile sur une autre réalité législative: le gouvernement propose, le Parlement dispose.
L’on aurait souhaité par exemple un débat sur l’obligation d’avoir l’utilité publique pour que des associations de consommateurs puissent ester en justice (article 149). Certes, l’article 150 prévoit que la fédération aura d’office ce droit. Et toute association membre aura, par ricochet, ce pouvoir d’action.
Jusqu’à présent, deux d’entre elles seulement (Oujda et Kénitra) ont fait la demande. L’enquête est toujours en cours… C’est le secrétariat général du gouvernement qui chapeaute la procédure via sa direction des associations. En 2009, sept associations ont eu le statut d’utilité publique et 8 ont déposé des demandes.
Il existe actuellement 175 associations reconnues d’utilité publique et aucune d’elles ne défend les consommateurs. Au-delà des lourdeurs procédurales, ce statut est accordé par décret que signe la Primature.
Le mouvement consumériste lui préfère la formule d’agrément, récemment introduite par la législation française. L’agrément n’est accordé que si l’association respecte un cahier des charges. L’arrêté qui lui donne ce droit est signé notamment par le ministre de la Justice. La «Confédération» des associations de consommateurs, qui siège à Fès, quant à elle, demande la suppression des articles 149 et 150. Cette revendication lève le voile sur un autre problème: «Fédération et Confédération sont en conflit». D’où les polémiques, éteintes depuis, sur la représentativité, la légitimité… Mais la vraie priorité reste le financement. Sans fonds, pas d’associations fortes et professionnelles. Les opérateurs télécoms, sociétés de crédit à la consommation, banques, sociétés d’assurances… ne sont pas en reste. Les sociétés de financement ont émis par exemple des réserves sur 13 articles (clause de compétence, crédit renouvelable, effets de commerce…). Et certaines reprochent au projet de loi 31-08 d’être une «mixture de la loi française (…) ce qui augmente les incohérences».
Sur le plan juridique et historique, c’est un tournant. Parlement et gouvernement ne devraient pas le rater. Espérons que le projet de loi 31-08 ne sera pas instrumentalisé politiquement! Sinon, nous aurons droit à une polémique stérile comme celle qui a retardé l’adoption du code de la route.

Faiçal FAQUIHI

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